Au-delà du Rideau rouge


 
 
 
 
 Au-delàdu Rideau rouge
 Roman
 Liv Bonnelli
 
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 Conception couverture : Stuart Bache – The Books Covered https://www.bookscovered.co.uk 
 
 Rights enquiries contact : Magaly Lhotel – [email protected]
 
 
 
 « Seul l’amour peut garder quelqu’un vivant. »
 Oscar Wilde
 
 
 Prologue
 D’après la légende, le Rideau rouge est né en Transylvanie, au xviiie siècle, autour de deux frères que rien ni personne ne pouvait séparer.
 Josif, gravement malade, était sur le point de succomber et Ivan ne pouvait se résoudre à perdre son frère. Il décida d’aller demander de l’aide à un vieux sorcier. Celui-ci lui révéla qu’une possibilité existait, mais qu’en échange, il devrait donner sa vie. Le sorcier lui expliqua que s’il acceptait ce marché, son âme serait tissée avec un fil magique d’un blanc pur et formerait un drap. Josif devrait s’en recouvrir entièrement et formuler le vœu que son frère soit ressuscité, à la nouvelle lune. Ivan accepta. Josif écouta attentivement les instructions et prononça le seul souhait qui lui était accordé. Mais au lieu de demander que son frère revienne à la vie, il préféra émettre le vœu que l’élue de son cœur accepte de l’épouser. Josif recouvra la santé et épousa la fille d’un berger.
 Par cet acte délibéré, Josif anéantit l’unique chance de faire revenir son frère à la vie, et Ivan fut effacé de sa mémoire. Cependant, la trahison de Josif s’accrocha au tissu blanc dans lequel l’âme d’Ivan était tissée. Ses larmes de sang teintèrent le drap magique et donnèrent naissance au Rideau rouge. Pour survivre, il devrait dorénavant se nourrir des émotions humaines. Aussi, il attira à lui un homme valeureux, un certain Archi. Il lui demanda de réunir autour de lui des soldats, les Tuniques pourpres, et de fonder le Cirque.
 Il s’agissait d’un cirque particulier qui présenterait une seule attraction : exaucer les vœux des gens. Certains voulaient reconquérir l’amour de leur vie, gagner une fortune ou encore remonter le temps pour changer un élément important. Les motivations étaient nombreuses, tout comme le nombre – 1 –
 Hongrie, Szentendre, 2005.
 
 Szentendre, bourgade au charme moyenâgeux, 26 000 habitants moins deux âmes. Planté devant le panneau de la ville, je songe que jamais je n’aurais imaginé y remettre les pieds quand, cinq ans plus tôt, j’ai pris la route. Et pourtant, je suis là, dans mon village natal. La place de Szentendre est noire de monde, malgré le temps pluvieux. La foule afflue de partout. Elle vient renforcer les rangs des nôtres. Nous avons un nom : les Esperados. La plupart, comme moi, traînent dans les bas-fonds des villes dans lesquels nous avons atterri à la recherche de chaleur humaine, de courage pour les jours d’après. Nous espérons tous obtenir le Saint Graal : le ticket qui nous permettra de franchir le Rideau rouge. La patience est la première qualité d’un Esperados : attendre que le Cirque trouve une nouvelle destination ; attendre qu’il y ait assez de monde ; attendre que l’attraction phare soit en place ; attendre que la foule s’amasse et bouge tel le corps d’un serpent ; attendre que les gens du Cirque, que l’on appelle les Tuniques pourpres, jettent dans la foule des tickets sur lesquels sont inscrits des matricules. Il faut être aguerri, rapide et parfois malhonnête pour récupérer son ticket. Comme à chaque fois, je m’interroge sur ma présence au sein des Esperados alors que je devrais suivre une thérapie pour me rappeler ce que mon subconscient me refuse : mon histoire, mon identité. Fouiller ma mémoire, je l’ai fait plus d’une fois. Le résultat est toujours le même : cette sensation, chevillée au corps, d’être perdu dans une forêt sombre… la peur de sentir mes pieds au bord du précipice, un trou noir insondable à la place de mes souvenirs. Il ne