Best-seller


 
 
 À ma confidente, Mary-Lou Mylove, À mon amie, E.L. James À mon ami français, Franck Thilliez À mon ami D.J., Gino Panelli 
 
 Chapitre 1
 Ibiza. 09 juin 2022. 
 La piscine à débordement de la villa de Gino Camora surplombait la Méditerranée. Douze chambres, douze salles de bains, une salle de cinéma, une mini-discothèque, trois spas. Elle possédait tout le confort et le luxe imaginables. Tout était blanc à l’intérieur, des sols au plafond, des meubles à la décoration. Le soleil avait cogné ce jour-là, et il n’allait pas tarder à disparaître à l’horizon. Sa lumière chaude était une promesse pour la nuit à venir. Je devais me dépêcher, j’avais pris du retard. J’enfilai une petite robe rouge moulante sans rien dessous, comme il me l’avait demandé, et ma paire d’escarpins noirs au talon de douze. 
 Je me préparai, au son d’un filet d’électro dont les basses rythmaient mes mouvements. Je devais le rejoindre à 22 heures à l’Amnesia, avant son set. C’était une soirée importante pour lui. Tout le gratin des people était là, et il partageait les platines avec David Guetta. Je ne voulais pas le décevoir. Je devais le soutenir, malgré tout ce qui m’arrivait. J’avais réussi à chasser de mon esprit ce que j’avais vu quelques heures plus tôt, comme si cela n’avait jamais existé. Réussi à me convaincre que tout irait bien, que tout cela n’était qu’un mauvais rêve. Je me regardai dans l’immense miroir en pied du dressing. J’étais prête, et certaine de lui plaire. 
 À l’extérieur, un chauffeur m’attendait, planté devant la porte ouverte de la Bentley Continental turquoise. Je sortis de la villa. Ce fut à ce moment que j’entendis les sirènes et distinguai les reflets bleutés des gyrophares qui zébraient la palmeraie. Deux flics de la Guardia Civil s’avancèrent vers moi. Avant que j’aie eu le temps de comprendre, je me retrouvai menottée. Ils me poussèrent à l’arrière d’une voiture qui démarra en trombe tandis que le soleil disparaissait dans la Grande Bleue.
 
 
 
 Chapitre 2
 Paris. 11 avril 2022.
 Je m’étais levée avant que la sonnerie du réveil retentisse. Excitée. Je m’étais douchée, coiffée et maquillée, comme cela ne m’était pas arrivé depuis longtemps, sur le rythme effréné du titre Irreplaceable de Beyoncé. J’avais choisi ma tenue la veille. Une robe printanière mais classe, de couleur jaune. Une paire d’escarpins assortis. Une petite veste en jean et une pochette bleu marine. Je me contemplai dans le miroir, tournant sur moi-même. Je me trouvai belle. Mes longs cheveux bruns aux reflets auburn, mon smoky-eye qui mettait en valeur mes yeux noisette, mon petit nez retroussé, mes seins et mes fesses rebondies ; tout était parfait. Sur la table du séjour, je pris les clés de ma Fiat 500 d’occasion rouge, mon iPhone et mon stylo fétiche. J’étais heureuse. J’avais en effet été invitée à participer, en tant qu’auteure, à un gros salon du livre, ce qui n’était pas courant. Depuis quelques mois, j’étais plutôt habituée à des séances de dédicaces en supermarché, entre le rayon mayonnaise et les promotions sur le matériel hi-fi. Libris en folie – c’était le nom du salon – se tenait dans le 16e arrondissement, et de nombreuses stars étaient à l’affiche. À l’affiche justement, mon nom ne figurait pas, mais il apparaissait dans le petit livret mis à disposition des visiteurs par les organisateurs. Nous étions une quarantaine d’écrivains. 
 Lorsque j’arrivai dans la salle où se tenait l’événement, je fus accueilli par une hôtesse qui me remit un badge et un ticket pour le repas du midi. J’étais fière. Il était 9 h 45 et les stars n’étaient pas encore là, les portes ouvrant au public à 10 heures. Le premier à arriver fut Franck Thilliez. Il salua tout le monde, prit un café et s’installa à son stand. Puis le défilé des pointures commença. Bussi, Chattam, Norek, Anna Todd, Dicker, B.K. Lorie et bien d’autres. Des noms illustres. Des modèles. J’osais à peine les regarder, et encore moins leur adresser la parole. Chacun se positionna à sa table. Devant moi, j’avais une pile de trente-huit exemplaires des cinq romans que j’avais écrits. 
 Les portes s’ouvrirent et le public entra. Une foule énorme pénétra dans la salle. Mon cœur battait la chamade jusqu’à frapper dans mes tempes, mes jambes tremblaient. J’avais le souffle court et j’inspectais tout l’espace du regard à la recherche de visages connus, ceux de mes auteurs préférés. Droite comme un i, je bombais le torse. C’était réellement impressionnant. D’autant plus que mon emplacement était situé en plein dans l’axe de l’entrée, juste à côté de la caisse des librairies partenaires. Les lecteurs se précipitèrent vers les stands. Le ventre noué, les mains moites, je ne pus retenir un sourire radieux. Au rayon mayonnaise, je n’avais jamais vu autant de monde se ruer vers des livres. Aurais-je assez d’exemplaires ? Je me le demandai. Cinq minutes plus tard, l’espace s’était organisé. Des files de personnes s’étaient formées devant les stars de la littérature. La plus impressionnante serpentait face au stand de B.K. Lorie. Il y avait là une bonne centaine de lectrices en furie, impatientes de repartir avec le roman dédicacé de l’auteure du dernier véritable best-seller et d’échanger quelques mots avec la star américaine de la new romance. Un joyeux brouhaha régnait dans la salle. Je regardai ma voisine de table, une employée des éditions du Père Castor qui avait une énorme pile de livres pour enfants étalés devant elle. 
 — Quel monde ! constata cette dame d’une soixantaine d’années. 
 Elle ressemblait comme deux gouttes d’eau à ma tante Félicie.
 — Oui, c’est impressionnant ! Mais pas étonnant, avec toutes ces stars ! répondis-je. 
 Une petite fille et sa grand-mère interrompirent notre conversation naissante. La mamy voulait acheter Les cent merveilleuses histoires du Père Castor et se mit à discuter avec ma voisine. J’essayai d’accrocher le regard des lecteurs qui déambulaient devant moi. Je lançai quelques « bonjour