Bien sous tous rapports

Louise Candlish Bien sous tous rapports Traduit de l’anglaispar Caroline Nicolas Du même auteurchez Sonatine Éditions Chez nous, traduit de l’anglais par Caroline Nicolas, 2020. Directeurs de collection : Arnaud Hofmarcheret Marie Misandeau Coordination éditoriale : Louise Mamdy Couverture : © Rémi Pépin - 2023 Photo de couverture : © Robert Brook / Corbis / Getty Images Titre original : Those People Éditeur original : Simon & Schuster UK Ltd © Louise Candlish, 2019 © Sonatine Éditions, 2023, pour la traduction française Sonatine Éditions 92, avenue de France 75013 Paris www.lisezsonatine.com « Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. » Ouvrage réalisé par Cursives à Paris ISBN numérique : 978-2-38399-080-2 À mes correctrices, Jo et Danielle, avec ma gratitude 1 Ralph – Oui, on est conscients que quelqu’un a été tué, ­évidemment. Quelle horrible façon de mourir, absolument atroce. Ma femme est l’une des premières à être arrivées sur les lieux. Elle est en face à l’instant, au no 2, chez Sissy Watkins – Naomi Morgan, elle s’appelle, vous lui avez probablement déjà parlé ? – Non, je n’étais pas là personnellement, je jouais au tennis, au club de l’autre côté de la rue principale. J’ai dû partir d’ici vers 20 heures. – Oui, tout paraissait normal à l’angle quand je suis parti. Le dépotoir habituel. Des piles de gravats partout, des voitures garées dans tous les sens, comme une espèce de puzzle en 3D complètement dément. Une véritable zone sinistrée. Écoutez, je ne prétends pas faire votre boulot à votre place, mais vous vous épargnerez pas mal de travail sur le terrain si vous oubliez le reste d’entre nous et que vous allez lui demander directement comment c’est arrivé. – De Darren Booth, bien sûr, qui d’autre ? L’homme responsable de ce drame ! Et pendant que vous y êtes, peut-être que vous pourriez demander à la municipalité où elle était pendant toute cette affaire, hein ? Si vous voulez mon avis, elle a été d’une négligence criminelle ces derniers mois. Ces compressions budgétaires sont allées beaucoup trop loin et il suffit d’un énergumène comme ce type pour que tout à coup on ait l’impression de vivre au Far West. – La relation que j’avais avec lui ? Une relation de haine mutuelle, je dirais. J’ai immédiatement reconnu le genre de mec que c’était. Le genre qui se contrefout de ce que les autres peuvent penser. Un sauvage, en un mot. Je me rappelle notre première conversation – si on peut appeler ça comme ça –, le week-end où il a emménagé. Il a failli s’en prendre à moi avec une masse… Mr Ralph Morgan, 7 Lowland Way,enquête de proximité par la police de Londres, 11 août 2018 Huit semaines plus tôt Le premier indice que quelque chose clochait, en ce vendredi soir, fut que la place de parking devant chez lui était occupée par une Toyota blanche crasseuse et tellement délabrée qu’elle semblait bonne pour la casse. Certainement pas le véhicule qu’aurait choisi qui que ce soit de sa connaissance dans Lowland Way. Quand on s’engageait dans la rue par l’extrémité donnant sur le parc, comme Ralph le faisait généralement lorsqu’il rentrait de son entrepôt dans le quartier de Bermondsey, on pouvait suivre la courbe ascendante des tailles – et des prix – des habitations, depuis les jolis cottages ouvriers jusqu’aux rangées d’étroites maisons mitoyennes à deux étages, puis aux grandes demeures victoriennes indépendantes, du côté de Portsmouth Avenue. Ces dernières étaient incontestablement les propriétés les plus désirables, avec leurs vieilles briques dont le rouge incandescent contrastait de façon spectaculaire avec le vert des ormes plantés le long de la rue. Cela faisait plus de quinze ans que Ralph et sa famille occupaient le no 7, tandis que son frère Finn et sa propre famille étaient en résidence au no 5, juste à côté, depuis douze ans. Il n’y avait pas meilleur endroit où vivre, les deux frères étaient d’accord sur ce point, et ce pour moitié moins que ce qu’on pouvait payer dans certains quartiers de Londres. Le parking était le gros point faible. Les jardins à l’avant n’étaient pas assez profonds pour permettre d’y garer une voiture, et la municipalité n’avait mis aucun panneau pour réserver les places dans la rue aux résidents, ce qui, dans les faits, voulait dire que c’était la foire d’empoigne. Et que de temps en temps, un intrus s’invitait. En dépassant la Toyota, il se rendit compte qu’il ne voyait plus rien à travers son pare-brise. Il lui fallut un instant pour comprendre que quelque barbare d’ouvrier était en train de briser en mille morceaux le mur du no 1, dans un nuage de poussière qui flottait jusque dans la rue. À côté, une camionnette blanche occupait la place de deux voitures, ce qui expliquait le stationnement perturbé. « Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?! » S’arrêtant à la hauteur du maçon, il baissa sa vitre pour le héler. « Excusez-moi, qu’est-ce qui se passe ici ? » Le type ne l’entendit pas. Sous sa combinaison grise, il était étonnamment mince au vu de la tornade de poussière qu’il avait produite à lui tout seul. « Hé ! Vous pouvez arrêter, s’il vous plaît ? » fit Ralph en haussant la voix. Cette fois, l’ouvrier s’interrompit, restant une seconde ou deux le dos tourné à la rue, et à la voiture de Ralph, avec une immobilité que ce dernier trouva légèrement sinistre. Puis il se retourna pour s’approcher, masse à la main. Il avait le visage maculé de poussière, une expression de défi nonchalant. « Puis-je vous demander qui