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Indocile

Author/Uploaded by Dana Spiotta

Du même auteur ELLES À L.A., Éditions de l’Aube, 2003. EAT THE DOCUMENT, Actes Sud, 2010. STONE ARABIA, Actes Sud, 2013. LES INNOCENTS ET LES AUTRES, Actes Sud, 2019. “Lettres anglo-américaines” Titre original : Wayward Éditeur original : Knopf, Penguin Random House LLC, New York © Dana Spiotta, 2021 Traduction française publiée avec l’accord de Melanie Jackson Agency, LLC représentée par Anna J...

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Du même auteur ELLES À L.A., Éditions de l’Aube, 2003. EAT THE DOCUMENT, Actes Sud, 2010. STONE ARABIA, Actes Sud, 2013. LES INNOCENTS ET LES AUTRES, Actes Sud, 2019. “Lettres anglo-américaines” Titre original : Wayward Éditeur original : Knopf, Penguin Random House LLC, New York © Dana Spiotta, 2021 Traduction française publiée avec l’accord de Melanie Jackson Agency, LLC représentée par Anna Jarota Agency Photographie de couverture : ©Brooke DiDonato / Agence Vu © ACTES SUD, 2023 pour la traduction française ISBN 978-2-330-17397-5 DANA SPIOTTA Indocile roman traduit de l’anglais (États-Unis) par Yoann Gentric pour Agnes et Emy Dans vos veines coule comme un sang de forêt sauvage. Mary Ruefle, Pause. 2017 I SAM 1 Une façon de comprendre ce qui lui était arrivé (ce qu’elle avait fait arriver, ce qu’elle avait tenu à ce qu’il lui arrive) : tout avait commencé par la maison. C’était la maison en elle-même, mais aussi là où la maison se trouvait, là où elle avait découvert qu’elle voulait se trouver elle aussi. C’était un cottage Arts and Crafts1 abandonné et délabré dans un quartier relégué de la ville de Syracuse qui avait autrefois bouillonné de vie. 1. Né dans les îles Britanniques durant la seconde partie du xixe siècle en réaction à la révolution industrielle, le mouvement Arts and Crafts, qui mène une quête d’excellence pour tous dans les arts décoratifs, se développe aux États-Unis à l’aube du xxe siècle. (Toutes les notes sont du traducteur.) 2 La maison était juchée sur une toute petite parcelle de Highland Street, rue tracée à la crête d’une colline que bordait une longue étendue d’herbe et d’arbres. On aurait dit un petit parc en pente, mais c’était en fait un cimetière dont les vieilles tombes étaient massées dans le coin sud-ouest. Sauf à être allergique aux tombes – et Sam ne l’était pas – ce coteau de verdure était vraiment joli. La rue elle-même offrait un vaste panorama sur le centre historique de la ville. On apercevait les clochers des églises et on voyait que la petite cité était nichée dans une vallée cernée de collines. On apercevait même le dessin en forme de rein du lac Onondaga, bien qu’il soit souvent en partie voilé par des nuages bas. En regardant vers la gauche, ou par les fenêtres sur le côté de la maison, on apercevait l’université de Syracuse sur une autre colline. On la repérait grâce à la bulle blanche, basse et matelassée du Carrier Dome (stade qui devait son nom à la multinationale de la climatisation Carrier, quoiqu’elle se soit presque entièrement retirée de la ville – tout ce qu’il en restait, c’était une poignée d’emplois ouvriers, le dôme et Carrier Circle, un rond-point dangereux que Sam détestait). Peu après avoir aperçu le dôme, on remarquait les flèches et les tourelles des divers bâtiments de l’université. La décision de quitter son mari – l’acte de le quitter, vraiment – prit corps au moment où elle fit une offre pour la maison. C’était un dimanche ; Sam s’était réveillée à cinq heures du matin, incapable de dormir plus longtemps. Elle avait attribué ce réveil inutilement précoce à l’approche de la ménopause. Elle avait toujours ses règles chaque mois, mais des choses s’étaient mises à changer dans son corps, et même dans son cerveau. Comme le fait de se réveiller d’un seul coup à cinq heures un dimanche matin, son esprit passant de la torpeur à une intraitable lucidité, comme si elle avait déjà bu un café. Et comme lorsqu’elle avait bu un café, elle se sentait alerte, boostée d’adrénaline, mais elle ressentait aussi la fatigue sous-jacente, la lassitude. Ce matin-là, le bois du parquet était froid sous ses pieds nus, mais pas moyen de trouver ses chaussons. Il faisait encore nuit. Elle s’efforça de ne pas réveiller son mari. Elle se servit de son téléphone pour s’éclairer jusqu’à la salle de bains. Elle urina, tira la chasse, se lava les mains. Elle se brossa les dents sans se regarder dans le miroir. Elle remonta les stores pour jeter un œil dehors. L’aube pointait peu à peu dans le ciel et une quinzaine de centimètres de neige étaient tombés pendant la nuit. C’était l’une de ces giboulées neigeuses de mars dont Syracuse avait le secret. Tout le monde s’en plaignait parce qu’on “était censé être au printemps”, mais à quoi bon ? À Syracuse le printemps n’arrivait jamais en mars. Du reste, sous la lumière printanière, les neiges de mars étaient souvent spectaculaires. Le soleil qui se levait lentement jetait maintenant une lueur rose et or et, sur la neige, une petite croûte de glace scintillait sous l’éclat du ciel et des réverbères. Tout semblait beau : les arbres, les toits, jusqu’aux voitures encroûtées de sel. Et comme la plupart des spectacles époustouflants de beauté, c’était presque trop, trop théâtral, quasi racoleur. Sam adorait la théâtralité des neiges de mars. Mars voulait dire que le ciel serait clair, éblouissant de clarté, loin de l’obscurité nébuleuse de janvier et de la monotonie grise et piteuse de février, le pire des mois. À mesure que le jour avancerait, des ombres nettes se découperaient sur la croûte neigeuse, la clarté ferait plisser les yeux et, s’il n’y avait pas de vent, on pourrait ouvrir son manteau. Dans ces moments-là, Syracuse ressemblait à une piste de ski du Colorado. Le mois de mars était différent parce que la lumière apportait la promesse du printemps et que la neige rendait tout ravissant, sous ce manteau frais et immaculé. Mais voici le plus important : Sam pensait être la seule personne au monde à trouver merveilleuses les tempêtes de neige de la fin mars, et elle en concevait une certaine fierté. Toujours, elle aimait à s’imaginer subtilement différente des autres, savourant la tension et le mystère qu’il y avait à paraître ordinaire en surface tout en étant douée d’une vie intérieure radicale et originale. Par exemple, du temps où elle faisait les soldes au Talbots de DeWitt en compagnie des autres dames

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