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La Course du loup

Author/Uploaded by Kerstin Ekman

Kerstin Ekman La Course du loup Traduit du suédoispar Marianne Ségol-Samoy Il faisait froid. Le jour commençait à poindre, à peine un soupçon. Mon fusil était resté sur le canapé de l’autre côté de la table. Non chargé. Pourquoi ? Je ne sais pas. C’est comme ça, c’est tout. Pas pour tout le monde. La plupart des gens veulent tirer aussi longtemps que leur index peut appuyer sur la détente. Tant q...

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Kerstin Ekman La Course du loup Traduit du suédoispar Marianne Ségol-Samoy Il faisait froid. Le jour commençait à poindre, à peine un soupçon. Mon fusil était resté sur le canapé de l’autre côté de la table. Non chargé. Pourquoi ? Je ne sais pas. C’est comme ça, c’est tout. Pas pour tout le monde. La plupart des gens veulent tirer aussi longtemps que leur index peut appuyer sur la détente. Tant que la bite se lève, on vit et on tue. J’avais tué, beaucoup. Suffisamment peut-être. Kasper avait débusqué vingt-huit élans. Pas tous pour moi, bien sûr. Si la proie avait été abattue par un autre que moi, il ne le laissait pas approcher. Sa babine supérieure se retroussait et il montrait les crocs. Si le chasseur avançait encore, il se figeait et grognait. Une fois que Kasper était sur le dos de l’animal et qu’il lui arrachait les poils, seul moi, son maître, avait le droit de venir. Il était comme ça, Kasper. Trissa était plutôt douée, elle aussi. Longtemps elle avait été la seule femelle. L’inconvénient des chiennes, c’est qu’elles sont en chaleur à l’automne. Je ne me souviens pas de tous les élans qu’elle avait rabattus. On ne se rappelle que les spéciaux. Mais les chiens, eux, je peux les compter. Là, ma mémoire ne vacille pas. Justus, Bång, Reppen et Blix appartenaient à mon père. Skott avait été mon premier chien, on me l’avait offert en même temps qu’un petit fusil de chasse. J’attendais avec impatience que l’automne arrive et que le chiot devienne assez grand pour lever les lièvres. Skott était né en février, j’avais alors douze ans. On chassait bien ensemble, lui et moi. Il ressemblait à un basset suédois bien qu’il soit croisé teckel. Mais il était sans doute issu d’un autre croisement car ses oreilles étaient droites avec la pointe qui retombait vers l’avant. Ma mère disait qu’elle les trouvait mignonnes et rigolotes. Skott voulait tout le temps chasser. Il se ruait dans les terriers sans se préoccuper de leur taille. Un jour, il était resté coincé. Nous avions tout tenté pour le sortir de là. Le renard qu’il pourchassait avait réussi à s’échapper en rampant et quand son ombre s’était éloignée mon père avait lâché un juron. Ces bêtes ont toujours une sortie de secours. Mais Skott, lui, était resté bloqué à l’intérieur. Nous avions creusé sans réussir à le libérer. Ce soir-là j’étais au bord des larmes en suivant mon père dans l’obscurité sur le chemin de la maison. Plutôt, je devais être en pleurs. Je marchais à quelques mètres derrière lui et j’essuyais mes joues trempées avec la manche de mon pull. Le lendemain matin je m’étais levé tôt et j’y étais retourné. Après l’école aussi. J’avais séché deux jours. Allongé devant l’entrée du terrier, je criais à Skott de ne pas abandonner et je me remettais à creuser. Mon père était revenu avec une bêche et une plus grande pelle et nous avions continué encore et encore, sans succès. Skott avait fini par ressortir. Au bout de quatre jours. Il avait réussi à se faufiler par la même sortie que celle du renard. Il avait beaucoup maigri. Il était assoiffé, épuisé. Mon père avait dû le porter jusqu’à la maison. Ma mère avait posé un bol devant lui avec un fond d’eau. Un tout petit peu à la fois ! avait-elle dit. Comme pour la nourriture. Elle craignait qu’il ait mal au ventre. Je buvais ma tasse de café, le regard rivé sur le marécage et la lisière de la forêt. La vieille caravane était pourvue d’une gazinière à deux feux et d’un chauffage chuintant, au gaz lui aussi. Sans cela, je n’aurais pas pu rester assis. Quand j’étais plus jeune, je gelais littéralement dans les abris avec rien d’autre sous les fesses qu’un tapis de branches de sapin. À l’époque les doudounes n’existaient pas. Le vieux manteau de fourrure de mon grand-père faisait à peu près l’affaire, mais il était lourd. Inga avait ri le jour où j’étais revenu à la maison avec la caravane d’Anton Pettersson que je venais d’acheter. Avec sa forme arrondie et sa couleur vert tendre, elle ressemblait à un gros gâteau d’anniversaire, avait-elle commenté. Anton l’avait repeinte dans cette couleur pour masquer la moisissure qui se propageait en grosses plaques. Elle était petite avec un toit bombé comme on les fabriquait avant et j’avoue qu’elle m’a bien servi. Je l’avais tractée jusqu’à une de mes parcelles où elle se trouve encore aujourd’hui, installée sur un sol ferme près du marais, non loin du chemin. C’est de l’intérieur de cette caravane que j’avais vu l’énorme sanglier que j’appelle le Diable Noir. Même si les gens affirment que cette espèce ne s’aventure pas aussi loin dans le Nord. J’avais aussi vu des chevreuils. La semaine précédente, quatre d’entre eux avaient traversé le marécage, avançant prudemment sur la croûte glacée. Il n’était pas certain qu’ils survivent au pic de l’hiver. Nous étions le matin du jour de l’an. J’étais censé aider Inga pour les préparatifs. Mon anniversaire tombait le 2 janvier, cette année-là je fêtais un chiffre rond et la maison serait bientôt pleine de monde. Je m’étais levé à cinq heures du matin et j’avais préparé mon casse-croûte, mon fusil et mes jumelles. Je m’étais dit que j’avais le temps de venir là au calme pendant quelques heures. Il faisait nuit encore et la caravane n’était qu’un faible rempart face au temps glacial. Il y régnait un froid de canard. Zenta s’est blottie contre mes jambes. J’étais sur le point de m’emmitoufler dans une couverture, mais les premières lueurs du jour avaient déjà commencé à percer au-dessus des arbres. Et puisqu’il fallait du temps au chauffage pour faire son effet, j’ai décidé d’enfiler mes skis et de relever des empreintes. Zenta resterait dans la caravane. Elle était couchée sur la peau de mouton et j’ai déposé la couverture sur elle. La chasse aux jeunes élans était encore autorisée, donc, si je trouvais des traces,

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