La vie ne se danse jamais seul Cover Image


La vie ne se danse jamais seul

Author/Uploaded by Marie Joudinaud; Marie Joudinaud

Collection « Instants suspendus » dirigée par Virginie Fuertes Retrouvez Marie Joudinaud sur les réseaux sociaux : Sur Instagram : @marie_joudinaud Si vous souhaitez prendre connaissance de notre catalogue : www.editionsarchipel.com Pour être tenu au courant de nos nouveautés : www.facebook.com/editionsdelarchipel E-ISBN 978-2-8098-4676-8 Copyright © L’Archipel, 2023. Murs, ville, Et port, Asile...

Views 11273
Downloads 3898
File size 318.7 KB

Content Preview

Collection « Instants suspendus » dirigée par Virginie Fuertes Retrouvez Marie Joudinaud sur les réseaux sociaux : Sur Instagram : @marie_joudinaud Si vous souhaitez prendre connaissance de notre catalogue : www.editionsarchipel.com Pour être tenu au courant de nos nouveautés : www.facebook.com/editionsdelarchipel E-ISBN 978-2-8098-4676-8 Copyright © L’Archipel, 2023. Murs, ville, Et port, Asile De mort, Mer grise Où brise La brise, Tout dort. Dans la plaine Naît un bruit. C’est l’haleine De la nuit. Elle brame Comme une âme Qu’une flamme Toujours suit ! Victor Hugo, « Les Djinns », Les Orientales, 1829 Sommaire PARTIE 1 1: THAÏS 2: SUSANNE 3: THAÏS 4: SUSANNE 5: THAÏS 6: SUSANNE 7: THAÏS 8: SUSANNE 9: THAÏS 10: SUSANNE PARTIE 2 11: THAÏS 12: SUSANNE 13: THAÏS 14: SUSANNE 15: THAÏS 16: SUSANNE 17: THAÏS 18: SUSANNE PARTIE 3 19: THAÏS 20: CLARA 21: THAÏS 22: CLARA 23: THAÏS 24: CLARA 25: THAÏS 26: CLARA 27: THAÏS 28: CLARA REMERCIEMENTS 1: BÉRÉNICE PARTIE 1 La lune est haute ce soir, et ronde. Elle jette ses rayons blancs dans l’obscurité de la nuit, jouant avec les étoiles cette même scène depuis toujours. Au loin, par-delà la ville et son port, dont les mâts se dressent, noirs et fiers, comme une forêt déshabillée de sa parure de feuilles, l’astre contemple son reflet dans une mer qu’il colore d’argent. Le vent s’est tu, et la nature entière s’est endormie dans la douceur, un peu humide et encore salée des embruns de l’océan. Je suis là depuis de longues années : les saisons passent et se ressemblent autant qu’elles diffèrent. Chaque matin, je m’éveille avec l’aurore et guette les premiers rires, les premiers mots qui résonneront entre mes murs, mais depuis peu, c’est surtout le craquement des ardoises que je perçois à travers le sifflement du vent. Susanne fait ce qu’elle peut, je ne l’ignore pas, mais je sens la rouille s’insinuer en moi, la nature reprendre ses droits. Le lierre n’a pas été taillé depuis des mois. Chaque nuit, son ombre gagne un peu de terrain sur la façade, mordillant une à une mes pierres grises et rugueuses auxquelles il s’accroche furieusement. Il s’attaque aux volets du premier étage maintenant, ceux qui sont presque à l’angle : il a commencé par glisser un tentacule timide sur le bois rêche et fatigué, et comme s’il constatait que nul n’allait freiner sa course, les autres tentacules l’ont rejoint en quelques heures. Certains volets ont presque totalement disparu sous l’épais feuillage, et la plante s’aventure vers les autres fenêtres, déployant gracieusement ses longs doigts de verdure. Elle s’agrippe à ma roche, qu’elle engloutit sournoisement. Je la laisse progresser, impuissante et démunie : la plante finira par m’avaler si personne ne l’empêche. Les ardoises résistent tant qu’elles le peuvent aux coups de vent qui font rage depuis quelque temps, mais certaines ont malgré tout baissé les bras et se sont laissé choir le long de la toiture jusqu’à la gouttière bouchée par les aiguilles de pin et les feuilles mortes. On ne s’en rend pas compte lorsqu’on passe devant moi, en longeant le trottoir sur la place, mais il pleut déjà dans la tour qui domine l’angle ouest de la maison. Pourtant, ce qui me tue plus encore que les assauts du temps et du vent, c’est la tristesse qui m’a envahie ces dernières années. Et, cette fois, j’ai peur que la fin approche. 1THAÏS À travers l’œil-de-bœuf, le bec contre le carreau poussiéreux, une tourterelle les observait attentivement. Jing lui jeta un regard en coin, avant de reprendre ses échauffements, le long du mur, contre la barre sur laquelle il avait posé sa cheville. À quelques mètres de lui, Thaïs effectuait des mouvements d’assouplissement à même le sol, les mollets enroulés dans d’épaisses jambières en laine chinée. Pour cette séance de répétitions avant la première qui se tiendrait quelques semaines plus tard à Bastille, elle avait revêtu un costume semblable à celui qu’elle porterait sur scène, une robe longue et ample, dont la soie douce et flamboyante ondulait au gré des mouvements de son corps. Alexis Korniloff, l’illustre chorégraphe qui l’avait choisie pour interpréter la figure d’Anna Karénine dans l’adaptation musicale du non moins célèbre Grégoire Bellanger, souhaitait reprendre quelques scènes qu’il jugeait encore imparfaites, raison pour laquelle il avait convoqué les danseurs à 9 heures ce dimanche matin. Ces derniers travaillaient sur ce spectacle depuis des mois, sans relâche : avoir l’occasion de danser une telle pièce était unique, tant Korniloff parvenait à magnifier les artistes. Ils en avaient conscience et auraient répété toutes les heures du jour et de la nuit si leur corps le leur avait permis. Après avoir jeté un dernier regard à la troupe qui s’animait devant elle dans l’immense studio de répétition en rotonde niché sous les toits de l’opéra Garnier, la tourterelle, que Thaïs contemplait d’un œil absent, déploya ses ailes et disparut dans le lointain d’un ciel maussade. Un instant, la ballerine imagina qu’elle se faufilait à travers la fenêtre pour se fondre à son tour dans les nuages. Elle déroula ses jambes, les écarta à la manière d’un pantin désarticulé et se pencha en avant pour plaquer sa joue contre le sol lisse et froid. Elle baissa ses paupières quelques secondes, tenta de faire le vide en elle, comme elle en avait l’habitude avant chaque répétition. En laissant le silence prendre toute la place au fond d’elle, Thaïs recentrait son énergie sur les efforts qui l’attendaient : elle mobilisait ainsi chacun de ses muscles, chacun de ses tendons, chaque cellule de son organisme pour porter son corps vers la perfection. Elle allongea la pointe de ses orteils, courba son coup de pied, sentit les ampoules s’ouvrir malgré les pansements glissés au bout de ses chaussons, réprima une légère grimace et se releva doucement. Puis elle étira sa colonne vertébrale, pencha son visage d’un côté et de l’autre, sentit craquer ses cervicales. — Ça va, Thaïs ? L’étoile sursauta et se tourna vers Jing, son partenaire. En lisant une légère inquiétude au

More eBooks

Everybody Knows Cover Image
Everybody Knows

Author: Jordan Harper

Year: 2023

Views: 54327

Read More
Inexplicable Cover Image
Inexplicable

Author: Renee Williams

Year: 2023

Views: 29926

Read More
P.S. You're The Worst Cover Image
P.S. You're The Worst

Author: Jane Anthony

Year: 2023

Views: 44555

Read More
Panique à la noce Cover Image
Panique à la noce

Author: Naëlle Charles

Year: 2023

Views: 19968

Read More
Katie and the Warrior King Cover Image
Katie and the Warrior King

Author: S.E. Smith

Year: 2023

Views: 51234

Read More
Boneyard Tides Cover Image
Boneyard Tides

Author: Jones, Amo

Year: 2023

Views: 36799

Read More
Pas de Don't Cover Image
Pas de Don't

Author: Chloe Angyal

Year: 2023

Views: 46584

Read More
Noctis Cover Image
Noctis

Author: M.E. Clayton

Year: 2023

Views: 32974

Read More
Legionary: A warrior's journey begins in Ancient Rome (Quintus Roman Thrillers Book 1) Cover Image
Legionary: A warrior's journey begi...

Author: Neil Denby

Year: 2023

Views: 47879

Read More
Lady of Starfire Cover Image
Lady of Starfire

Author: Melissa Roehrich

Year: 2023

Views: 57134

Read More