Author/Uploaded by Christophe Wojcik
Portrait de Christophe Wojcik © Yann Montero Né en 1968 à Metz, Christophe Wojcik travaille à la mairie de Valence. Le Portable est son premier roman. Alors qu’il se retrouve avec le cadavre d’un inconnu sur les bras, Léo-Paul est saisi d’une idée folle : le maintenir artificiellement en vie grâce à son téléphone portable. Travail, famille, amis, à l’aide de l’appareil, il se substitue peu à peu...
Portrait de Christophe Wojcik © Yann Montero Né en 1968 à Metz, Christophe Wojcik travaille à la mairie de Valence. Le Portable est son premier roman. Alors qu’il se retrouve avec le cadavre d’un inconnu sur les bras, Léo-Paul est saisi d’une idée folle : le maintenir artificiellement en vie grâce à son téléphone portable. Travail, famille, amis, à l’aide de l’appareil, il se substitue peu à peu au défunt, annonce qu’il prend ses distances et ne donnera plus de nouvelles, sinon par messages. Mais il n’est pas facile de « faire le mort ». L’exercice est périlleux et les risques sont grands. Surtout lorsque le disparu a une femme ravissante et des ennemis bien mal intentionnés… Comédie policière savoureusement immorale, Le Portable se joue de notre addiction à cet objet qui sait tout et trop de nous. En s’immisçant dans l’intimité d’un autre, on peut le sauver, le venger, détruire sa vie et même en profiter pour la lui voler. Mr. Watson. Come here! I want to see you. Alexander Graham Bell à son assistant.Premiers mots intelligibles transmis par téléphone.Boston, le 10 mars 1876. Sommaire Page de titreL'auteurLe livreChapitre 1Chapitre 2Chapitre 3Chapitre 4Chapitre 5Chapitre 6Chapitre 7Chapitre 8Chapitre 9Chapitre 10Chapitre 11Chapitre 12Chapitre 13Chapitre 14Chapitre 15Chapitre 16Chapitre 17Chapitre 18Chapitre 19Chapitre 20Chapitre 21Chapitre 22Chapitre 23Chapitre 24Chapitre 25Chapitre 26Chapitre 27Chapitre 28Chapitre 29Chapitre 30Chapitre 31Chapitre 32Copyright / 1 / Huit heures quinze, l’objet rectangulaire déposé sur le plan de travail de la cuisine s’éclaire soudain, vibre et sonne, un dring-dring sec et strident qui rappelle celui de nos téléphones d’antan, accélération des battements de mon cœur, ne pas décrocher, surtout pas. Je lis son prénom qui apparaît sur l’écran : Mathilde. La sonnerie s’interrompt, je n’en éprouve aucun soulagement, je tremble un peu, depuis les événements de la nuit je tremble tout le temps. Deux ou trois minutes d’un silence pesant. Puis ce qui devait arriver arrive, Mathilde récidive, sonnerie agaçante, je ne décroche toujours pas, évidemment. L’instant d’après, l’écran annonce la réception d’un message que je m’empresse d’écouter. La voix est douce quoique dépourvue d’intonations, charge émotionnelle faible à nulle, phrase prononcée d’un seul tenant, dans un souffle, pour ainsi dire machinalement, Pierre, c’est moi, j’espère que tout va bien, les enfants sont sages, ils ont bien dormi, ils voulaient te souhaiter une bonne journée, rappelle-moi, bisous ! Je rejette l’appareil qui manque de basculer dans l’évier et m’en éloigne en le regardant d’un air effrayé, comme si c’était le diable ou un pestiféré, un virus, un monstre hideux. / 2 / Le fauteuil, maintenant. Je m’y installe confortablement, pas de précipitation, j’ai tout mon temps. Le soleil qui l’éclaire me fait du bien. La cigarette que j’allume aussi, elle m’aide à me détendre, à faire le point. Mine de rien, j’ai collecté quelques informations essentielles grâce à ce bref échange. Sa femme se prénomme Mathilde. Lui, c’est Pierre. Ils ont eu des enfants, deux au moins puisqu’elle en parle au pluriel. Il était en déplacement, sans doute pour raisons professionnelles. Voilà pour les données objectives. Auxquelles j’ajoute une présomption forte : leur couple traversait une crise, Mathilde a peu cherché à le décourager dans son choix, trop peu, elle a vite abandonné la partie, comme si elle s’y résignait bon gré mal gré. Dans le cas contraire, elle l’aurait rappelé, rappelé encore, ou lui aurait envoyé d’autres textos, laissé d’autres messages, pleurant à chaudes larmes, hurlant son incompréhension, réclamant son retour à cor et à cri. Elle ne l’a pas fait. Elle ne le fait pas. Le téléphone est silencieux. Tant mieux. J’aurais été bien embarrassé si elle s’était mise à insister. Elle lâche le morceau, en somme, alors que le morceau,