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Les Sans-Patrie

Author/Uploaded by Adam Scharrer

Les Sans-PatrieIIIIIIIVVVIVIIVIIIIXXXIXIIXIIIXIVXVXVIXVIIXVIIIXIXXXXXIXXIIXXIIIXXIVXXVXXVIXXVIIAchevé de numériser Title Page Cover Adam Scharrer Les Sans-Patrie Traduit de l’allemand par Pierre Igny Éditions de L’Izoard I « Messieurs, commence M. Landsberg, il va falloir nous séparer. La guerre finie – ce qui ne saurait tarder –, j’espère que nous nous retrouverons ici, tous au complet. Il m’est...

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Les Sans-PatrieIIIIIIIVVVIVIIVIIIIXXXIXIIXIIIXIVXVXVIXVIIXVIIIXIXXXXXIXXIIXXIIIXXIVXXVXXVIXXVIIAchevé de numériser Title Page Cover Adam Scharrer Les Sans-Patrie Traduit de l’allemand par Pierre Igny Éditions de L’Izoard I « Messieurs, commence M. Landsberg, il va falloir nous séparer. La guerre finie – ce qui ne saurait tarder –, j’espère que nous nous retrouverons ici, tous au complet. Il m’est impossible de garder l’usine ouverte plus longtemps. Müller et Schaal sont déjà partis, et plusieurs d’entre vous seront forcés d’en faire autant, ces jours-ci. Je suis moi-même encore d’âge à être mobilisé. À l’heure actuelle, nous n’avons qu’un but, commun à tous : la défense de la patrie. Donc, s’il vous plaît… » Là-dessus, on nous remet nos papiers et le reliquat de notre salaire. Il suffit de quelques minutes pour régler leur compte à huit hommes. Janke louche vers le journal du matin, déplié sur la table, qui reproduit en gros caractères les hauts faits du « Magdeburg » et de l’« Augsburg », fournissant ainsi la matière du discours d’adieu. — C’est réellement fameux ! reprend le patron. Les Russes ont dû être rudement étonnés, d’être salués de la sorte ! Ils s’étonneront encore bien plus, lorsqu’au sud, les Autrichiens leur tomberont dessus ! Quelques-uns rient et approuvent. Mais personne ne rit de bon cœur. Adieux brefs. Je pars à pied pour être seul. Les autres prennent le tramway ou se dirigent vers le train de banlieue. Déjà, autrefois, je n’avais pas grand-chose de commun avec eux, et à présent, plus rien : des hommes dépourvus d’opinion personnelle ; de bons petits bourgeois qu’attriste cette interruption du train-train de leur vie régulière. Tous étaient là depuis des années : le beau-père et le gendre, l’employé principal, et son ami, un serrurier, âgé d’une trentaine d’années, le ferblantier à la jambe raide, et le vieux forgeron à la grande barbe et au crâne dénudé. Je n’étais, moi, qu’un étranger amené par le hasard. Qui sait pourquoi le vieux forgeron, le ferblantier infirme et l’ouvrier borgne reviennent sur leurs pas, et me font signe en entrant au cabaret du coin ? Et qui sait pourquoi je retourne en arrière et vais vider quelques chopes avec eux ? Je l’ignore. Je sais seulement que ceux-là étaient encore capables de rire, les autres non. — Qu’ils fassent ce qu’ils voudront, dit Schramm. en sirotant son rhum. Et, après l’avoir absorbé, tout en mâchonnant le sucre, il ajoute : « Nous, on s’en fout complètement ! » L’œil borgne de Schramm brille comme de l’ivoire poli. Les deux autres ont un sourire approbateur ; on dirait qu’ils se réjouissent d’être âgés, ou infirmes comme Jonas l’estropié. — T’en fais pas ! mon vieux, t’en fais pas ! me disent-ils ensuite au départ. Écris-nous parfois. Du cran ! T’es pas non plus tout à fait une andouille ! dit Schramm à la fin. Rien ne me retient plus à Eilbeck. Elle était pourtant gentille, cette petite usine, idyllique avec son jardin vert. Le cerisier sous la fenêtre, le sifflement des courroies, le martèlement de la machine à raboter, qui, en grondant, travaille les plaques de fonte, et le « teuf-teuf » du moteur à gaz servaient d’accompagnement au concert des oiseaux. La besogne était supportable. Une fabrique de tôles perforées : il y avait aussi des machines spéciales pour cette fabrication et Landsberg s’ingéniait inlassablement à créer des modèles nouveaux. On n’y regardait pas à une heure de plus ou de moins, mais on exigeait un travail consciencieux et soigné. À midi, nous nous étendions au jardin, pendant une heure et demie, et le salaire, 80 pfennigs l’heure, dépassait la moyenne. À 25 ans, on finit par perdre tout doucement le goût de là vie errante. Ce travail tranquille dans ce tranquille Eilbeck me convenait et j’y avais élu domicile, voulant m’épargner le trajet quotidien jusqu’à Hambourg, et aussi parce qu’une jeune fille qui me plaisait, était employée à la fabrique de caoutchouc, proche de la nôtre. Fini le beau rêve, à présent. Suis-je un lâche ? Je n’en sais rien, mais en tout cas, c’est l’opinion de la jeune fille et de son père. Son frère s’est engagé et moi, la veille encore, je me trouvais parmi ceux qui manifestaient contre la guerre. — Tiens, Hans Betzoldt ! C’est avec ce cri que Martha Lehmann, mon hôtesse, se précipite quand j’arrive à la distillerie, au rez-de-chaussée de la maison que j’habite. Son ami, un portefaix athlétique pesant 100 kilos est assis dans la pièce enfumée. Revêtu d’un uniforme d’artilleur, botté et éperonné, le cabaretier sert la clientèle. Un orchestre de quatre sous mène grand tapage. La salle est comble. Mon hôtesse commande « une demie » et m’apostrophe : — Ben, Hans. Prends-en ton parti ! Tu ne seras tout de même pas tué en arrivant ! Elle semble de bonne humeur et offre une tournée aux clients. — Paul aussi a réfléchi, continue-t-elle, il n’y a plus que toi pour faire défection ! Paul Gerstacker, le plus fervent antimilitariste de notre groupe, me regarde en dessous et répond ensuite : — Oui, moi aussi, je pars. Pas moyen de faire autrement. Nouveaux éclats de rire. Musique dure et métallique : Connaissez-vous la Princesse des dollars ? Hors d’ici ! Un mot déposé sur la table, et les clefs par là-dessus annonceront que l’oiseau s’est envolé. Dans une petite rue à cheval sur Hambourg et Altona, habite le camarade Mertens, affilié à un des « groupements » dont j’ai fait partie. Je frappe. Sa femme ouvre. — Toi, Hans ? Elle a les yeux rouges. Elle cherche, par un pâle sourire, à dissimuler son sentiment d’accablante incertitude et ce que son courage a de factice. — Entre donc ! Que fais-tu ? D’où sors-tu ? Tu ne travailles plus ? Pars-tu ? Je demande. — Où est le camarade Mertens ? Un imperceptible frémissement contracte ses lèvres. Elle regarde à terre, et dit : — Il s’est présenté hier au bureau de recrutement. On dirait qu’elle attend une réponse. Peut-être un

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