Author/Uploaded by Christian Authier
Christian Authier Poste restante Flammarion © Flammarion, 2023. ISBN Numérique : 9782080294494 ISBN Web : 9782080294487 Le livre a été imprimé sous les références : ISBN : 9782080294456 Ouvrage composé et converti par Pixellence (59100 Roubaix) Présentation de l'éditeur Christian Authier – fils de postiers et lui-même postier éphémère durant sa jeunesse estudiantine – a beaucoup aimé La Poste. D...
Christian Authier Poste restante Flammarion © Flammarion, 2023. ISBN Numérique : 9782080294494 ISBN Web : 9782080294487 Le livre a été imprimé sous les références : ISBN : 9782080294456 Ouvrage composé et converti par Pixellence (59100 Roubaix) Présentation de l'éditeur Christian Authier – fils de postiers et lui-même postier éphémère durant sa jeunesse estudiantine – a beaucoup aimé La Poste. De l’épopée héroïque de l’Aéropostale aux choses vues dans les bureaux de poste actuels, des tranches de vie aux descriptions d’un processus au sein duquel l’humain semble disparaître derrière les machines, l’auteur s’interroge : que reste-t-il aujourd’hui de ce service public profondément ancré dans notre mémoire et notre quotidien ? Et du facteur d’antan, dont le rôle social s’opérait naturellement, devenu désormais un homme ou une femme à tout faire moyennant finance ? À quoi ressemblent nos bureaux de poste quand ils ne sont pas supprimés, provoquant un sentiment d’abandon dans une France souvent rurale ? Maniant humour, colère et étude critique, Poste restante est un hommage à un métier autant qu’à la civilisation de l’écrit et de la correspondance. Né en 1969, Christian Authier est romancier, essayiste et journaliste. Il a publié neuf romans, parmi lesquels Soldat d’Allah (Grasset, 2014), Des heures heureuses (Flammarion, 2018) et Demi-siècle (Flammarion, prix des Hussards 2021), ainsi que treize essais, dont De chez nous (Stock, prix Renaudot Essai 2014) et Houellebecq politique (Flammarion, 2022). Du même auteur Romans Enterrement de vie de garçon, Stock, 2004, J’ai Lu, 2009 Les Liens défaits, Stock, 2006 (prix Roger-Nimier 2006), J’ai Lu, 2010 Une si douce fureur, Stock, 2006, J’ai Lu, 2010 Une Belle époque, Stock, 2010, J’ai Lu, 2012 Une certaine fatigue, Stock, 2012 Soldat d’Allah, Grasset, 2014 Des heures heureuses, Flammarion, 2018 Demi-siècle, Flammarion, 2021 (prix des Hussards 2021) L’Ouverture des hostilités, Presses de la Cité, 2022 Essais Patrick Besson, Éditions du Rocher, coll. « Domaine Français », 1998 Foot Business, Hachette Littératures, 2001 Le Nouvel ordre sexuel, Bartillat, 2002 Les Bouffons du foot, Éditions du Rocher, coll. « Colère », 2002 A l’est d’Eastwood, La Table Ronde, 2003 Clint Eastwood, Fitway Publishing, 2005 Deuxièmes séances, Stock, 2009 Callcut, boire pour se souvenir, Éditions du Sandre, 2010 De chez nous, Stock, 2014 (prix Renaudot de l’essai 2014) Dictionnaire chic de littérature française, Écriture, 2015 Les Mondes de Michel Déon, Séguier, 2018 Petit éloge amoureux de Toulouse, Privat, 2021 Houellebecq politique, Flammarion, 2022 Poste restante « Nous allons donc confier notre petit trésor aux seuls gens qui n’égarent jamais rien, aux employés de cette administration que le monde entier nous envie. J’ai nommé les PTT. » Jean Gabin dans Le Cave se rebiffe (1961) de Gilles Grangier, dialogues de Michel Audiard Enfant de La Poste Je suis un enfant de La Poste. Enfin, de postiers. Car mes parents se sont rencontrés puis mariés, comme tant d’autres personnes, grâce à leur métier. Venus de province – l’Ariège pour ma mère, l’Hérault pour mon père – et issus de milieux populaires, respectivement enfants de bistrotiers de village et de métayers, ces jeunes gens nés autour de 1935 devinrent fonctionnaires au sein des PTT au mitan des années 1950 dans une capitale qui attirait les forces vives du pays. Pour leur génération et leur classe, « monter à Paris » ou vers une grande ville est une évidence avec la promesse d’une vie meilleure à la clé. La jeunesse de mes parents, je la vois en noir et blanc comme sur leurs photos de mariage. Leurs visages portent une sorte d’innocence et de confiance en l’avenir que leur jeune âge ni le bonheur du moment ne suffisent peut-être à expliquer. Une quinzaine d’années après la Libération, la France s’est reconstruite. Nous sommes dans les Trente Glorieuses. Le baby-boom est à l’œuvre. Certes, les guerres coloniales – l’Indochine puis l’Algérie – gangrènent l’Hexagone, mais cet héritage encombrant, ces poussières d’empire seront bientôt balayées ou glissées sous le tapis d’une France gaullienne sûre d’elle-même, orgueilleuse et dominatrice. La foi dans le progrès ne se discute pas. Dans cette France en noir et blanc, la couleur s’installe peu à peu avec les frigidaires, les machines à laver, le développement du téléphone, la télévision, bientôt la civilisation des loisirs… Nul mieux que le film Mon oncle de Jacques Tati en 1959 ne décrit ce mouvement. Le plein-emploi est de rigueur. On manque même de bras, d’où le recours à une immigration qui fait alors le bonheur et la prospérité de la nation. Dans cette France de la Ve République naissante et résolument tournée vers l’avenir, on n’oublie pas cependant les fondamentaux. L’État est aux commandes, la planification est de mise, la fonction publique est encore une noblesse. Des « hussards noirs » de la République, célébrés en son temps par Charles Péguy, aux vaillants cheminots dont l’engagement de certains dans la Résistance a renforcé l’aura, en passant par le facteur, le service de l’État s’illustre dans l’imaginaire national par des figures puissantes et familières. Pour nombre de Français, à l’instar de mes parents, le statut de fonctionnaire fait office d’ascenseur social. À la sécurité de l’emploi répond le devoir – et souvent la fierté – de servir le pays. Je suis donc né et j’ai grandi au sein d’une famille de postiers, métier qu’ils exerceront toute leur vie jusqu’à leur départ à la retraite. Évidemment, cette situation est assez banale. Mon meilleur ami à l’école primaire, Christophe, était aussi un fils de postiers et son père dirigeait le petit bureau de notre quartier. Des années plus tard, ma sœur aînée, alors étudiante, travaillera dans ce même bureau où elle rencontrera le futur père de ses enfants. Décidément, dans la famille, nous sommes marqués par le cachet de La Poste. Durant mon enfance, des mots ou des expressions étranges – « Paris Brune » (le nom d’un bureau de poste du 14e arrondissement de Paris), « receveur », « inspecteur » – résonnaient à mes oreilles sans que j’en perce les mystères. En remplissant au fil des ans la ligne « profession des parents »