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Rétiaire(s)

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 Doa
 Rétiaire(s)
 D'après une histoire originale de Michaël Souhaité & DOA 
 
 GALLIMARD
 
 
 
 
 RÉTIAIRE : n.m. (latin, retiarus, de rete, le filet), gladiateur romain sans cuirasse, armé d'un trident, d'un poignard et d'un grand filet de pêche, qu'il s'efforçait de jeter sur son adversaire, le Mirmillon.
 (source : dictionnaire...

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 Doa
 Rétiaire(s)
 D'après une histoire originale de Michaël Souhaité & DOA 
 
 GALLIMARD
 
 
 
 
 RÉTIAIRE : n.m. (latin, retiarus, de rete, le filet), gladiateur romain sans cuirasse, armé d'un trident, d'un poignard et d'un grand filet de pêche, qu'il s'efforçait de jeter sur son adversaire, le Mirmillon.
 (source : dictionnaire Larousse) 
 
 
 
 
 
 
 Cher Élie,
 Le malheur en tout ceci, c'est qu'il n'y a pas de « peuple » au sens touchant où vous l'entendez, il n'y a que des exploiteurs et des exploités, et chaque exploité ne demande qu'à devenir exploiteur. Il ne comprend pas autre chose.
 Louis-Ferdinand Céline
 « Lettre à Élie Faure », juillet 1935 
 
 
 De l'air, de l'air pour que je puisse satisfaire
 L'envie qui me ronge (et me plonge) dans une colère noire
 Quoi ? Moi ? Jeter l'éponge ? Mais ça va pas ?
 Ma raison d'être est là ! Underground jusqu'au trépas.
 Suprême NTM
 Popopop, « Paris sous les bombes » 
 
 
 
 PROLOGUE
 
 
 « Hadjaj ! »
 Ce cri, il tétanise. Dans le décor souterrain corseté de béton où la scène se joue, tous se figent. Malgré les moteurs, les claquements de portes, les conversations, les ordres aboyés et la réverbération chthonienne du tintamarre matinal, chacun est pris aux tripes par la puissance du hurlement.
 Par sa haine.
 C'est un homme de grande taille, large d'épaules, qui a tonné de la voix. Il a un visage carré aux saillies émoussées et sa petite quarantaine a, depuis longtemps déjà, des allures de cinquantaine ; les dernières semaines n'ont fait qu'ajouter à cette usure prématurée.
 L'instant d'avant le cri, personne ne faisait attention à lui. À part un collègue surpris de le trouver dans les sous-sols du 36, rue du Bastion – le nouveau 36 –, appuyé contre un mur, clope au bec, l'œil attentif au ballet des fourgons. Le collègue s'est approché. Théo ? Déjà rentré ? Un sourire déformait son masque chirurgical et son bras amorçait un ridicule salut du coude, façon geste barrière.
 Théo ne lui a pas répondu. Il a juste écrasé sa cigarette et dépassé son interlocuteur en lâchant un Va chercher mon taulier. Ensuite, le regard droit devant, Théo a rugi.
 « Hadjaj ! »
 Fonctionnaires de la pénitentiaire, policiers, gendarmes, prévenus, détenus, tous donc se sont figés. Certains se sont retournés. Le fameux Hadjaj était de ceux-là. Et lui, comme les autres, a mis quelques secondes à comprendre. Quelques secondes. Assez pour reconnaître le fils de pute qui l'a serré. Trop pour faire quoi que ce soit. Quelques secondes pour quelques pas. Pour que Théo puisse dégainer son Glock, tendre le bras, viser. La gueule.
 « Hadjaj ! »
 De peu, le cri précède le tir. À bout touchant diront sans doute les expertises médico-légales. Hadjaj, Nourredine, né aux Lilas le 7 avril 1989 et défavorablement connu des services de police, s'effondre. Son visage, un masque grotesque, sanguinolent et cabossé.
 Les larmes aux yeux, son meurtrier rigole. Dernier crachat sur le cadavre et le pistolet remonte, file vers sa bouche ouverte.
 Théo mange son canon.
 
 
 Interlude
 
 
 Juan Evo Morales Ayma, dit Evo Morales, est devenu président de la Bolivie en 2005. Il est resté aux affaires trois mandats durant, avant d'être poussé à la démission en 2019, à l'issue d'une quatrième élection entachée d'irrégularités, ayant déclenché partout dans son pays manifestations et violences. L'homme avait pourtant tout pour plaire : indigène de la tribu des Aymaras, né dans une famille modeste, joueur de football, sport ontologiquement populaire – populiste ? –, avant de devenir humble cocalero, un cultivateur de coca, cet important marqueur culturel des régions andines, puis syndicaliste, puis secrétaire général de la plus puissante organisation professionnelle d'exploitants de la susmentionnée coca, et enfin refondateur du Movimiento al Socialismo, le Mouvement vers le socialisme.
 Tout pour plaire, mais alors tout. Sur le papier.
 Peut-être aurait-il fallu commencer à se méfier quand Morales a inauguré son règne par un acte fort, en changeant le nom de sa patrie – lui retirant au passage son statut de république –, rebaptisée État plurinational de Bolivie. Cette altération, portée a priori par un élan de générosité visant à reconnaître l'existence et l'importance d'autochtones jusque-là opprimés ou, à tout le moins, relégués aux oubliettes, introduisait symboliquement division et dissension entre les Boliviens, renvoyés à leur appartenance à des nations, pluri-, plusieurs, donc à leurs différences.
 Méditer sur les diverses pistes de réflexion législatives lancées à partir de 2005 et la formation d'une assemblée constituante, puis validées par référendum à la suite de campagnes totalement démagogiques, se serait de même révélé fort utile. Réfléchir, par exemple, à la modification du nombre maximum de mandats présidentiels autorisés, opportunément relevé de un à deux à la veille d'un nouveau scrutin, ou encore, dans un autre registre, à la sanctuarisation de la coca dans la Constitution. Imagine-t-on le Maroc couvrir d'une façon aussi officiellement politique le cannabis, ou la France procéder ainsi avec la vigne, dont l'exploitation est pourtant casher, au nom du patrimoine culturel, de la biodiversité et de la cohésion sociale, avec une industrialisation et un commerce protégés par l'État, tel que cela est énoncé dans l'article 384 de la Constitución Politíca del Estado bolivienne du 7 février 2009 ?
 Il aurait également été avisé d'accorder une plus grande attention à ceux qui, bien avant son accession au sommet de l'État, accusaient déjà Evo Morales d'être soutenu par des intérêts mafieux, en l'occurrence des cartels de narcos – de la coca à la coke, le pas est vite franchi, surtout quand les formes ancestrales de consommation de la petite feuille verte aux vertus stimulantes ne suffisent pas à absorber la production locale. On l'a aussi associé à des guérilleros peu love et certainement pas peace, tels les Péruviens du Sendero Luminoso – le Pérou, deuxième producteur de cocaïne des Andes – ou les Forces armées révolutionnaires de Colombie, elles-mêmes

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