De fâcheuses fiançailles

Titre original : A Beatrice Hyde-Clare Mystery: A Nefarious EngagementCopyright © 2019 by Lynn Messina © Éditions Les Escales, un département d’Édi8, 202392, avenue de France75013 Paris – FranceCourriel : [email protected] ISBN : 978-2-36569-824-5 Couverture : Raphaëlle Faguer « Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. » Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. À Jill Smith, qui prête si magnifiquementsa voix à Bea et à son duc Sommaire TitreCopyrightDédicaceChapitre 1Chapitre 2Chapitre 3Chapitre 4Chapitre 5Chapitre 6Chapitre 7Chapitre 8Chapitre 9Chapitre 10Chapitre 11Chapitre 12Chapitre 13Dernières parutions Les Escales sériesLes Escales 1 Si Beatrice Hyde-Clare avait pensé un seul instant qu’être l’objet des affections d’un aristocrate de haut vol lui permettrait d’échapper aux conséquences auxquelles elle s’était exposée en démasquant un assassin à l’occasion d’un somptueux événement mondain, elle comprit immédiatement son erreur en apercevant sa tante qui, mortifiée par l’audace de sa nièce, avait le plus grand mal à afficher son affable sourire habituel. Néanmoins, les yeux écarquillés, celle-ci simulait l’euphorie tout en reprochant à mi-voix à Bea son inexcusable manquement aux usages. Certes, le comportement scandaleux de sa nièce l’atterrait – suivre un gentleman sur le balcon pour lui parler en tête-à-tête, l’accuser d’un acte immoral et s’exposer ainsi à une violente attaque –, mais elle redoutait encore plus que la bonne société s’aperçût de sa contrariété. Il était impensable que quiconque au bal des Larkwell sût à quel point elle était fâchée contre sa nièce. Oh, mais fâchée elle l’était, ça oui ! Comment cette misérable jeune femme avait-elle encore pu faire cela à sa famille ? Démasquer quelques mois plus tôt une scélérate meurtrière dans le salon même de cette dernière ne lui avait-il donc pas suffi ? Proclamer haut et fort que votre hôtesse avait défoncé le crâne d’un de ses invités avec un chandelier au beau milieu de la nuit était d’une indélicatesse sans nom ! Une accusation de cette nature ne pouvait se faire qu’en privé – ou mieux encore, point du tout –, car s’autoriser à la formuler en public revenait à piétiner les règles fondamentales régissant toute partie de campagne. Mais non, sa capricieuse nièce l’avait proférée devant tout le monde, y compris le mari et le fils de la criminelle. N’avait-elle donc plus aucun sens de la bienséance ? De toute évidence, c’était le cas puisqu’elle venait de divulguer le méfait du marquis de Taunton durant le bal de Lady Hortense. Pour Vera Hyde-Clare, cela ne faisait aucun doute : Beatrice savait pertinemment ce qu’elle faisait. Pour être tout à fait exact, Vera avait omis d’inclure salle de bal dans la liste des endroits où il serait déplacé de démasquer un assassin. Elle avait évoqué le salon naturellement, et la salle à manger, ainsi que la bibliothèque, le bureau, la roseraie si le temps se prêtait à servir le thé dehors. Avoir négligé de mentionner la salle de bal relevait d’un simple oubli. Quoi qu’il en fût, on ne démasquait un meurtrier que dans les écuries, voire – en cas de circonstances extraordinaires – dans les cuisines ; cela aurait dû aller de soi. Cette omission avait beau être une erreur malheureuse qu’elle s’empresserait de rectifier dès que la famille aurait regagné sa voiture, Vera avait du mal à croire que cela eût pu suffire à influer sur le comportement de sa nièce. Quand bien même elle aurait rigoureusement énuméré tous les lieux possibles, Bea n’en aurait fait qu’à sa tête. Sa nièce, si sage et obéissante durant les vingt-six premières années de sa vie, se montrait depuis peu obstinément indifférente à tout conseil. Ses proches, incapables de déceler dans cette nouvelle détermination une quelconque force intérieure, considéraient que son état d’esprit s’était petit à petit altéré à cause des affreux événements récents auxquels elle avait dû faire face : tomber sur un cadavre dans une bibliothèque sombre, se faire enfermer dans une resserre abandonnée en plein champ et découvrir que l’amour de sa vie, un pauvre clerc d’avocat de Cheapside, avait violemment péri dans un accident de carrosse. Bea, qui savait exactement ce à quoi pensait sa tante, car celle-ci n’avait pas manqué ces derniers mois de lui en faire part, s’empressa d’adopter une expression contrite. Dans la mesure où sa conduite avait profondément contrarié sa tante, octroyer à celle-ci le plaisir de lui en vouloir était la moindre des choses, songea Bea. Cependant, si la jeune femme s’efforçait sincèrement de se montrer penaude, elle ne put s’empêcher d’afficher un large sourire, tant la joie l’étourdissait. Quelques minutes auparavant, quelques instants auparavant, Damien Matlock, duc de Kesgrave, avait consenti à devenir son époux. Le duc de Kesgrave ! Le plus rutilant trophée du marché de l’hymen, un homme qui possédait tous les avantages – physique, statut, richesse – l’aimait, elle, la banale Beatrice Hyde-Clare au physique quelconque et à la personnalité effacée. Voilà bien la chose la plus extraordinaire qui se fût jamais produite. Et pourtant, cela paraissait à Bea on ne peut plus ordinaire, car maintenant qu’il avait déclaré sa flamme, toutes les conséquences qui en découlaient semblaient résolument inévitables. Des semaines durant, elle s’était morfondue dans sa chambre, se traitant de toutes sortes de noms d’oiseaux parce qu’elle était tombée amoureuse de quelqu’un d’aussi inaccessible que le duc de Kesgrave. Il était tout à fait impensable et absurde d’espérer ne serait-ce qu’une seconde que l’impérieux aristocrate pût reconnaître que l’étrange obsession le poussant à rechercher sa présence – réalité qu’il lui avait lui-même confusément avouée – était en vérité de l’amour. Elle avait passé toutes ces heures à s’apitoyer sur son sort tandis que le duc, ayant