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Djebel

Author/Uploaded by Gilles Vincent

Présentation Pendant des décennies, ils ont enfoui leurs lourds secrets… Mars 1960 en Kabylie, le jeune appelé Antoine Berthier achève à l’aube sa dernière garde avant d’être libéré et pouvoir enfin retrouver ses parents et sa sœur jumelle qui l’attendent sur le continent. Quelques jours plus tard, sans aucune explication, il se donne la mort sur le bateau du retour. En septembre 2001, on découvr...

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Présentation Pendant des décennies, ils ont enfoui leurs lourds secrets… Mars 1960 en Kabylie, le jeune appelé Antoine Berthier achève à l’aube sa dernière garde avant d’être libéré et pouvoir enfin retrouver ses parents et sa sœur jumelle qui l’attendent sur le continent. Quelques jours plus tard, sans aucune explication, il se donne la mort sur le bateau du retour. En septembre 2001, on découvre à Marseille les corps sans vie de plusieurs de ses anciens compagnons d’armes. Très vite, Aïcha Sadia, jeune femme d’origine kabyle, aujourd’hui commissaire, et Sébastien Touraine, ex-flic à la dérive, désormais détective, vont remonter les traces de l’Histoire… Entre les errances d’alors et les rancœurs d’aujourd’hui, ils vont découvrir que des deux côtés de la Méditerranée les mémoires saignent encore… *** Après 33 ans dans le Nord et onze ans à Marseille, Gilles Vincent a décidé, en 2003, de poser valises et stylos dans le Béarn. Depuis vingt ans, il consacre le plus dense de sa vie à l'écriture. Il est aussi l'animateur d'ateliers d'écriture en milieu scolaire, en prison, à l'hôpital. Pour son plus grand bonheur, il a plusieurs fois été récompensé. DJEBEL Série Aïcha Sadia #1 Gilles Vincent On ne peut décrire que ce qu’on imagine. Jacques Lacan Avertissement Ce roman est une fiction. Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé, serait donc purement fortuite. À mon père, à son Algérie à lui… PROLOGUE Mars 1960 – Ouadhia, Kabylie … Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe, ni les voiles au loin descendant vers Harfleur… Antoine chuchote Victor Hugo en boucle. Appris à la Communale. Le seul poème retenu. Jamais oublié parce que ça parle de la mort et que c’est beau comme la chorale de Trets, son village, dessous la montagne Sainte-Victoire. … Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. C’est beau de se le répéter dix fois, cent fois, et ça donne à Antoine l’impression rassurante de ne pas être complètement perdu au beau milieu des rochers et des vents algériens. Trois heures de garde, accroupi entre les cailloux, à chasser le picotement sous les paupières, à ne pas quitter le sentier des yeux. Pas même une seconde. La vie des autres en dépend. Toutes les vies. Hurler l’alerte, réveiller les soldats qui dorment en lisière du village. Antoine connaît sa mission : lutter contre le sommeil, vaincre le froid des aubes kabyles. Apprendre à ne pas fumer, ne pas tousser, ne pas bouger. En silence, devenir le gardien des nuits glacées qui enveloppent les collines autour et les copains, plus bas, écrasés de fatigue contre leurs sacs à dos. Remuer les orteils dans les rangers, scruter l’obscurité jusqu’à deviner les reliefs et murmurer Victor Hugo. Chuchoter les vers comme un refrain jusqu’à l’orangé vague de la nuit qui s’achève, là-bas, derrière la frontière tunisienne. La relève ne devrait plus tarder, et le jour se lever comme il s’est couché, dans un embrasement. Antoine Berthier se sourit à lui-même. Content, le soldat ! Trois heures de planton et pas une ombre suspecte, pas de frayeur ni de couteau qui tranche la gorge. Le pas essoufflé du gros Bonnardo qui grimpe le remplacer lui parvient. — Allez, Berthier ! Tu peux descendre te réchauffer. Et puis, c’est ta dernière, mon salaud ! Encore trois jours et c’est la quille. Pas vrai, putain de veinard ? Antoine, pressé de rejoindre la mechta, s’est déjà engagé dans la pente. — Oui, c’est ça ! qu’il lance sans se retourner. Trois jours et puis tchao tout le monde ! Les yeux rivés au chemin qui descend vers les premières baraques, il accélère le pas, ajuste son rythme à celui du jour qui pointe. Une fois de plus, l’Algérie va se réveiller entre caillasse et sang séché. Une fois de plus, la nuit aura effacé les cris de ceux qu’on grille à l’électricité, un peu partout dans le pays. Les poitrines trempées des Algériens attachés aux tables des écoles, leurs regards paniqués et le rire des jeunes soldats au milieu des beignes qui tombent. Le spectacle de cette jeunesse qui sombre et qui cogne, qui fabrique, sans le savoir, le terreau de ses cauchemars futurs. Aujourd’hui comme la veille et le jour suivant, le cri des hommes résonnera dans les caves jusque tard dans la nuit. Jusqu’au petit matin où la rafale claquera dans le dos du type abandonné entre les pierres. Du type qui n’avait rien à dire. Antoine n’a jamais voulu participer. Il a regardé. Une fois. « Pouvoirs spéciaux », qu’on lui a dit. Votés par les politiques, presque tous. Comme un seul homme. « On n’est pas des sadiques ! » avait martelé le capitaine Murat. « Faut leur parler le seul langage qu’ils comprennent : la trique. Point barre. » Quand Berthier avait rejoint sa compagnie du 7e régiment de chasseurs, dès les premières secondes, le capitaine Murat l’avait mis d’équerre. — Tu vois, Berthier, lui avait-il calmement expliqué dans son bureau, dans ma compagnie, jamais d’histoires. Tout le monde obéit, ferme sa gueule, et ça roule comme ça. S’il y a une merde, on se tient par les couilles. Pas de vagues. Jamais. C’est comme ça que tu rentreras chez toi et que moi, je finirai colonel. Tu me suis ? — Affirmatif, mon capitaine. Et il ne l’avait plus quitté des yeux. Plus lâché du regard pendant dix-huit mois. — Tu vois, avait continué Murat, dans ce village à la con où on cantonne depuis trois semaines, tout le monde a été interrogé. J’ai pas dit « torturé », t’entends ? Juste bousculé un peu… nuance ! Mais tu verras par toi-même. Ils y sont tous passés. Tous les mâles à partir de quatorze ans. Tous sauf le maire. Il a plus de quatre-vingts balais, tu comprends. Faut respecter les vieux, Berthier, sinon tout fout le camp. Sans compter qu’ils connaissent le pays et qu’ils veulent qu’on reste, eux. Ils ont bien compris que

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