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L'Annonce faite à Goering

Author/Uploaded by Jean-Pierre Cabanes

© Éditions Albin Michel, 2023 ISBN : 9782226486110 1938 Berlin À l’Anhalter Bahnhof, l’ancienne gare de la ville, Hildi se hâte vers le train en brandissant sa carte d’interprète. C’est le troisième contrôle depuis son arrivée. Mais les SS lui renvoient à chaque fois son salut en souriant. Il faut dire qu’elle est très belle, dans son uniforme, le brassard au bras gauche, et son calot réglementa...

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© Éditions Albin Michel, 2023 ISBN : 9782226486110 1938 Berlin À l’Anhalter Bahnhof, l’ancienne gare de la ville, Hildi se hâte vers le train en brandissant sa carte d’interprète. C’est le troisième contrôle depuis son arrivée. Mais les SS lui renvoient à chaque fois son salut en souriant. Il faut dire qu’elle est très belle, dans son uniforme, le brassard au bras gauche, et son calot réglementaire. Sa longue natte blonde danse dans son dos tandis qu’elle se dépêche de rejoindre le chef des traducteurs, qui est aussi l’interprète personnel du Führer. Le docteur Schmidt lui désigne le wagon qui leur est réservé, juste derrière celui d’Hitler. – Par ici, Fräulein Burckhardt. Nos collègues sont déjà avec la presse étrangère. Avec son blindage en acier à l’épreuve des bombes, le train ne dépasse pas les cinquante-cinq kilomètres-heure. Sur les flancs des wagons, un aigle stylisé. Le Führer passe devant eux, le visage renfrogné. Derrière lui, le Reichsmarschall Goering, numéro deux du Reich. Un de ses plus vieux compagnons. Celui du putsch de 1923 à la Bürgerbräukeller, la brasserie historique. Suit Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères. Le train s’ébranle lentement. Sur le quai, SS et employés de la garde se figent le bras levé. – On ne va plus à Munich ? demande Hildi, qui vient d’apprendre leur changement de destination. – On va à Klessheim pour accueillir Mussolini. C’est lui qui est à l’origine de la conférence. Ensuite, on rentre à Munich avec le Duce et sa suite. – Bien, docteur, répond Hildi. – À Klessheim, poursuit-il, vous prendrez en charge le comte Ciano. – Le ministre italien des Affaires étrangères ? – Oui, mais c’est surtout le gendre de Mussolini, rétorque Schmidt avec un sourire ambigu. Paris Dès sa première rencontre avec Werner, Claire est sous le charme. Ce grand blond à l’air terriblement sérieux lui plaît. Et cette mèche qui ne cesse de lui tomber sur les yeux le rend si attendrissant. Depuis plusieurs jours, elle le croise tout le temps à l’université. Le hasard ? Elle n’y croit pas. Elle voit dans son regard un intérêt, une curiosité pour elle. Claire finit par lui sourire, lui, par la saluer de loin, et par lui proposer enfin d’aller se promener dans les allées du Luxembourg. Elle accepte en rougissant. Au début, un peu intimidée, elle l’écoute se raconter. Il est étudiant, comme elle. Mais si elle est inscrite à l’école du Louvre, lui achève une thèse sur les faux dans la peinture européenne. Il est d’une modestie étonnante, songe-t-elle en l’écoutant développer son sujet, multiplier les anecdotes. Ils finissent par s’asseoir sur un banc. Il lui montre la photo d’un tableau qui doit illustrer un chapitre de sa thèse. Elle est fascinée par son érudition, sa capacité à trouver le détail qui trahit le faux. – Que vous êtes savant ! s’exclame-t-elle. – Savant ? demande-t-il avec surprise. Mais non, pas du tout ! Je n’ai aucun mérite, cela fait si longtemps que je suis plongé dans ce sujet… Regardez. Il exhibe une autre photo du même tableau. Cette fois, c’est l’original. Les commentaires sont en allemand. – Vous parlez allemand ? – Je le suis à moitié. Par mon père. Ma mère, elle, était française. – Mais votre thèse, devant quelle université la soutiendrez-vous ? – Celle de Berlin. Elle voudrait lui demander ce qu’il fait à Paris, mais il la devance. – J’ai été élevé à Paris par ma mère jusqu’à sa mort. Puis j’ai fait mes études à Berlin. Berlin. Le mot résonne dans sa tête. Elle se demande à quoi cette ville peut ressembler. – Je suis revenu pour ma thèse, poursuit-il. Vos musées et vos galeries sont incomparables. – Vous préférez Paris ou Berlin ? Il hésite. – Difficile à dire. J’aime beaucoup les deux. Autour d’eux, les vendeurs de journaux envahissent les allées. Encore les titres sur Munich, c’est le premier jour de la conférence. Partout, on ne parle que de ça. Werner s’assombrit. Il pousse un soupir. Claire lui jette un regard interrogateur. – Ma sœur est sans doute à Munich en ce moment. Elle est interprète d’italien au ministère des Affaires étrangères. – Et vous, vous êtes donc étudiant ? – Je fais mon service militaire dans la Kriegsmarine, mais on m’a permis de venir ici achever ma thèse. Elle trouve qu’avec son costume gris et sa cravate à pois, il n’a rien d’un militaire. Elle regarde sa montre. – Je dois partir, dit-elle en se levant, mais j’espère vous revoir. – Retournerez-vous à la bibliothèque demain ? – Oui, répond-elle dans un sourire. – Alors, à demain. Elle s’éloigne de quelques pas, puis fait soudain volte-face. – Vous connaissez la galerie Wildenstein, rue de Seine ? – Bien sûr. – C’est celle de mon père. On est juifs, annonce-t-elle. – Tous mes compliments, répond-il de sa voix calme. C’est peut-être à cet instant qu’entre eux se produit une étincelle, puis une flammèche, qui est le premier frémissement de l’amour. Jusqu’à présent, Werner, qui vit à Paris, ne s’est pas vraiment inquiété du sort des Juifs en Allemagne, même si à cette date, les persécutions s’accélèrent. Claire, évidemment, n’en ignore rien. C’est la raison pour laquelle ce compliment qu’il lui décerne, lui l’Allemand, ressemble fort au craquement d’une allumette. Klessheim – Signorina Hildegarde Burckhardt, ma belle interprète… Puis-je vous appeler Hildi ? – Comme vous voudrez, comte Ciano. Elle lui répond avec une courtoisie un peu froide. Ciano s’incline en séducteur qui bat en retraite avant de revenir mieux placé. Il sait un peu d’allemand. – Wie Sie wollen, Fräulein Burckhardt1. Le Duce et son équipe sont invités dans le wagon d’Hitler. Il est secondé par le docteur Schmidt, l’allemand de Mussolini est un peu défaillant. Les Italiens bavardent, Ciano avec Attolico, l’ambassadeur à Berlin. Ils disent que la conférence ne se tient que pour la forme et n’aura pour effet que de retarder l’invasion de la Tchécoslovaquie. Mais il ne déplaît pas au Duce d’apparaître comme l’artisan de la

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