Author/Uploaded by Marc-André Pilon
C’est une triste chose de songer que la nature parleet que le genre humain n’écoute pas. Victor Hugo Emancipate yourself from mental slaveryNone but ourselves can free our mindsHave no fear for atomic energy‘Cause none of them can stop the time[…]Won’t you help to singThese songs of freedom‘Cause all I ever had:Redemption songs Bob Marley, Redemption song Le noir total. L’humidité qui transperce...
C’est une triste chose de songer que la nature parleet que le genre humain n’écoute pas. Victor Hugo Emancipate yourself from mental slaveryNone but ourselves can free our mindsHave no fear for atomic energy‘Cause none of them can stop the time[…]Won’t you help to singThese songs of freedom‘Cause all I ever had:Redemption songs Bob Marley, Redemption song Le noir total. L’humidité qui transperce son uniforme de fortune. Les voix lointaines de ses camarades, égarés dans les dédales de ce labyrinthe rocheux. L’air se raréfie dans ses poumons. Peu à peu, l’étau se resserre sur son cœur. Son rythme cardiaque s’emballe. La tête lui tourne. Une impression de tomber, alors qu’il est recroquevillé au sol. Angoisse. Panique. Kashie: Où es-tu? Waza: Je ne sais pas. Je suis perdu. Blade: Que vois-tu? Waza: Pas grand-chose. Ma vision nocturne est intermittente. Blade: Et ta lampe? Waza: Je l’ai échappée; elle s’est brisée. Kashie: Si on réussit à communiquer, c’est que tu es tout près. Ne bouge pas. Waza: Je vous attends. Impossible de se déplacer. Sa tempête intérieure le garde cloué au sol. Affolement claustrophobe. Soudain, ses narines captent une nouvelle odeur. Pourrie, suffocante. Accompagnée de cliquetis. Telles des griffes qui raclent une surface dure et lisse. Une présence… étrangère. Oppressante. Instinctivement, Waza recule à l’aide de ses jambes. Tout ce qu’il accomplit: s’enfoncer davantage dans la paroi derrière lui. Un point lumineux, au loin. Frôlant le plafond de ce tunnel exigu. Une lueur à la fois aveuglante et invitante. Waza se demande s’il a perdu contact avec la réalité. Waza: Je vois quelque chose. Blade: Quoi? Waza: Une lumière. Elle se rapproche. On dirait presque qu’elle danse. C’est vraiment bizarre. Kashie: Évite tout danger. Blade: Et surtout, ne perds pas cette pierre. Waza ne répond pas. La pierre serrée dans sa main, il fixe la curieuse étincelle qui avance vers lui dans la nuit abyssale. Tout à coup, des voix dans sa tête. Sa mère. Son père. Nayita, sa petite sœur adorée. Leurs voix familières, qu’il avait pourtant oubliées. Elles le réconfortent. L’apaisent. Les battements de son cœur ralentissent. Sa respiration devient moins saccadée. La lueur poursuit sa danse hypnotique. Dans les éclats de la flamme se joue un film. Celui de son enfance. Celui d’un temps heureux. Innocent. Il se revoit, courant, poursuivi par sa sœur à qui il a volé un ruban. Ses cheveux lui tombent dans les yeux tandis qu’il se retourne pour la narguer. Elle fait semblant d’être fâchée par la situation. Ils rient aux éclats. La lumière est tout près de lui. Puis, à deux centimètres de son visage, il l’aperçoit. Une horreur sans nom. Il pousse un hurlement. Pendant quelques secondes, voilà tout ce qui reste de son existence. Son écho. IALEKSUAN 1 Sur une terre aride, deux frères s’échinent à l’ouvrage. Désherbent, binent, sarclent. Tout ça pour quelques patates, peut-être du maïs. S’ils sont chanceux, de l’avoine et de l’orge. Aleksuan se redresse, essuie la sueur sur son front. — La récolte ne sera pas fameuse cette année, observe-t-il. — Pire que l’an dernier, mieux que l’an prochain, prophétise Lukzee, l’aîné. Pourtant, il ne se décourage pas. Il s’acharne sur ce terrain qui leur appartient, luxe dont il est bien conscient. Aleksuan, lui, laisse son regard voguer au loin. Au-delà de leur village, assemblage de toits de tôle et de murs en boue séchée. Au-delà de leur maison, où les attendent leur mère et leur petit frère. Au-delà de cet horizon décharné, étendue infinie qu’il n’a jamais eu l’occasion d’explorer. Tout ce qu’il connaît de la vie se résume à la centaine d’âmes qui, comme eux, tentent de survivre sur cette terre peu généreuse. — Tu m’aides, Alek? Cette mélancolie, Lukzee l’a vue des dizaines de fois dans les yeux de son frère. Elle n’annonce rien de bon. Mieux vaut se concentrer sur le présent. Ne pas regretter le passé. Ni s’interroger sur l’avenir. — Oui, oui… acquiesce-t-il. Sans enthousiasme, Alek reprend son ouvrage. Le soleil plombe sur leurs épaules dénudées. Leurs corps sont maigres, bien que musclés. La chaleur est incroyablement étouffante. Mais on s’habitue à tout. Après une heure, Alek s’arrête à nouveau. Machinalement, ses yeux se tournent dans la même direction. Comme si la clé pour les libérer de leur misérable existence s’y trouvait. — Tu voudrais faire comme lui, n’est-ce pas? demande Lukzee, l’amertume perçant dans sa voix. Partir et nous abandonner, maman, Karlak et moi? «Lui», c’est Tadik, leur père. Ils ne l’ont pas vu depuis des années. Aleksuan ne répond pas. En silence, il se penche et pioche de plus belle le sol avec sa houe. Mais au bout d’un moment, il n’en peut plus de tenir sa langue: — Il doit bien y avoir autre chose. La vie ne peut pas se résumer à ça: manger, travailler, dormir… mourir. Lukzee secoue la tête. — Contente-toi des trois premiers, sinon le quatrième va venir beaucoup plus vite que tu le crois. Aleksuan n’est pas fou. Lui aussi a entendu les rumeurs de la guerre, qui s’intensifient de jour en jour. Peut-être que ce trou de sable est un paradis comparativement à ce qui l’attend plus loin. Mais à quoi bon, si cette existence n’a aucun sens? Son père l’avait compris, lui. — Papa était un rêveur, déclare son aîné, comme s’il avait lu dans ses pensées. Et tous les rêveurs sont des idiots. Est-ce que ça valait la peine de laisser sa famille pour remplir ce vide en lui? De créer un malheur pour l’espoir d’un bonheur inexistant? — Ça ne peut pas être pire qu’ici. — Oui, ça se peut. Et tu le sais très bien. Pendant qu’il parle, Lukzee triture le sol avec acharnement. Lui aussi a ses doutes, même s’il préfère les taire. — Un tel égocentrisme ne doit pas être admiré, ajoute-t-il. Au contraire… — Au Sud, commente Aleksuan, il paraît que des gens vivent comme autrefois. Avant les bombes du Cataclysme. Ils ont des huttes immenses qui grimpent jusqu’au ciel. Des véhicules qui servent