Oups, j'ai tué ma boss

Alice MASSON OUPS (J’ai tué ma boss) Du même auteur : Modern Love et autre nouvelles paru chez Spinelle Le Croustilleur de Versailles et autres nouvelles paru aux Editions de l’An-Vi La Chair est cendre, l’âme est flamme paru chez Hello Editions Revenir à Marseille paru aux Editions de l’An-Vi La Guerre de la Lune paru aux Editions de l’An-Vi (illustrations de Yaël Mimouni) A l’école des vampires paru aux Editions de l’An-Vi © 2023 Les Éditions de l’An-Vi ISBN : 9798389782372 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés pour tous pays. L’auteur est seule propriétaire des droits et responsables du contenu de ce livre. [email protected] Chapitre 1 : Journée de merde.com — Accusée, levez-vous ! Yaël Chétrit, suite à la délibération du jury du Tribunal de justice de La Brouillasse, vous êtes reconnue coupable de violence, coups et blessures ayant entraîné la mort de la victime : La Mère Papa. En conséquence, vous aurez la tête tranchée le soir de Noël, sur la place du village. Yaël ferme les yeux, en proie au chaos indescriptible qui règne dans son esprit. Elle ne peut s’empêcher d’entendre une voix dans sa tête annoncer une sentence aussi sévère qu’obsolète pour le crime qu’elle pense avoir commis par accident. Pour se rassurer, elle se dit que la peine de mort a été abolie en France depuis quelques décennies, mais avec la chance qu’elle a, si elle se fait prendre après les élections présidentielles toutes proches, il se peut que le nouveau gouvernement la rétablisse. Juste pour elle. Ses pensées se dirigent immédiatement vers sa nièce Lou qu’elle aime tant. « Mais qu’est-ce que j’ai fait, c’est un cauchemar ! Que va penser Lou de moi quand elle apprendra l’acte que sa tatie chérie a commis ? Non, impossible, elle ne doit rien savoir de ce gâchis, mais quelle horreur, ma petite Lou adorée » Elle ouvre ses magnifiques yeux bleu océan pour vérifier qu’elle ne rêve pas. Non, rien n’a changé par miracle durant les trente dernières secondes. La Mère Papa, sa boss, de son vrai nom Sylvie Papadopoulos, directrice de l’agence de pub SpaceAttendant du pittoresque village de La Brouillasse en banlieue marseillaise la fixe toujours de ses yeux ahuris. Mais quelque chose cloche dans la vision d’horreur que Yaël contemple avec stupéfaction. Son cerveau congelé par le choc a du mal à décoder l’image. La jeune femme essaie de se ressaisir et tente une approche frontale. — Sylvie ? Sylvie c’est pas drôle ! Ok, vous m’avez fait une grosse frayeur, on peut y aller maintenant ? Il ne reste plus que nous deux dans l’immeuble, il est temps de rentrer, je vais vous aider à vous relever si vous voulez. La Mère Papa fixe toujours Yaël de ses yeux exorbités, elle a le regard éteint, elle ne bouge plus. Sous la violence du coup, elle a glissé comme un sac de farine sur le sol, assise les jambes écartées, dans une position très vulgaire. Son dos est maintenu contre le mur du bureau, ses bras ballants semblent se terminer par deux boules informes aux extrémités manucurés de rouge dragon. Elle est posée au sol sur son gros postérieur flasque comme une poupée de porcelaine au visage ingrat. Yaël se rend à l’évidence, elle doit passer à l’étape supérieure : le contact. Elle avance avec hésitation sa petite main gantée vers l’épaule de sa boss. Index et majeur en figure de proue, elle imprime un léger mouvement de pulsion sur le tissu noir de la veste de tailleur de sa supérieure. Elle qui pensait qu’en la secouant, sa chef se remettrait en mouvement est très déçue ! Au contraire, la masse informe se couche sur le côté, attirée par l’inexorable pesanteur terrestre. Les neurones de Yaël se réveillent enfin de leur coma post- traumatique passager. Elle retire sa main d’un geste sec et rapide alors qu’un cri primal sort de sa bouche démesurément écartée. En tombant sur le côté, la tête de la directrice découvre une drôle de barrette à cheveux. Fichée jusqu’à la garde, une flèche en fer plaquée d’or est plantée très profond dans son crâne. Le reste de la statuette représentant Diane Chasseresse décore la tempe de la morte depuis le haut du front jusqu’au lobe de son oreille. Yaël se rend enfin compte de la gravité du geste qu’elle a mis une fraction de seconde à accomplir, mue par la rage et la colère. Il faut dire que la Mère Papa l’avait bien cherché. Après l’avoir convoquée dans son bureau pour la quatrième fois de la journée pour des prétextes futiles, la boss avait donné le coup de grâce en lui rapportant des rumeurs qu’elle avait entendues au sujet de son comportement au bureau. Le ton était rapidement monté, les nerfs à vif, Yaël avait saisi le premier objet qui lui était tombé sous la main. C’était un trophée qu’avait gagné sa chef au siècle dernier, une lourde statuette représentant la Déesse de la guerre, bandant un arc, assise en amazone sur un cerf. Malencontreusement, le coup avait été assez fort pour enfoncer la flèche dans la tempe de la victime, lui trouant le cerveau et la réduisant au silence à jamais. Yaël aurait pu s’en réjouir, parce qu’elle ne supportait plus depuis longtemps la voix forte, masculine et tranchante comme une hache de sa supérieure hiérarchique. Au moment de porter l’estocade, elle était loin d’imaginer les conséquences de ce qu’elle avait considéré, à tort, comme un « petit coup sur la tête pour lui remettre les idées en place ». Certes, les idées de sa boss avaient dû effectivement reprendre leur place, mais dans le mauvais sens ! Yaël se dit qu’elle doit réagir, et très vite, avant qu’on ne découvre son méfait. Tout en composant le numéro de la seule personne au monde en qui elle a confiance, son amie de toujours Anaïs, le fil de sa journée se déroule dans sa tête. C’était le genre de journée de merde.com.