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Parjures

Author/Uploaded by Gilles Vincent

PARJURES Série Aïcha Sadia #3 Gilles Vincent La vérité est comme le soleil. Elle fait tout voir et ne se laisse pas regarder. Victor Hugo Première partie 1 Marseille. Mardi 6 février, 4 h 50. Rêver d’avoir une fille et de l’appeler Lou. Qu’elle porte le sourire du père, cette moue chiffonnée d’éternel petit garçon faussement soucieux. Qu’elle ait son regard bleu qu’il savait perdre au loin, à l’h...

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PARJURES Série Aïcha Sadia #3 Gilles Vincent La vérité est comme le soleil. Elle fait tout voir et ne se laisse pas regarder. Victor Hugo Première partie 1 Marseille. Mardi 6 février, 4 h 50. Rêver d’avoir une fille et de l’appeler Lou. Qu’elle porte le sourire du père, cette moue chiffonnée d’éternel petit garçon faussement soucieux. Qu’elle ait son regard bleu qu’il savait perdre au loin, à l’horizon des choses. Chaque nuit, depuis des semaines, dans les rêves d’Aïcha, les jambes de la petite Lou gravissent les collines du monde. Les premiers mots découverts, les courses éperdues et son rire qui ricoche dans l’appartement mettent du bleu aux jours, du doré aux ciels des nuits… Le portable d’Aïcha Sadia vibra sur le parquet, près du livre abandonné la veille, au bord du sommeil. Les yeux fermés, elle tendit le bras jusqu’à l’appareil, le colla à son oreille et reconnut d’emblée la voix du lieutenant Camorra. — Je vous réveille, patronne ? — Pas grave, lieutenant. Ça fait un bon moment que mes nuits ne ressemblent plus à grand-chose… Elle se redressa, appuya son dos contre le mur, alluma la lampe de chevet. — Alors ? — On est aux Arnavaux, derrière l’usine Laffont. Vous voyez où ? — La friche industrielle, sur la gauche, avant les quartiers Nord, c’est ça ? — Oui, c’est ça. Vu le nombre de giros sur la zone, vous ne pourrez pas nous louper. — Qu’est-ce que vous foutez là-bas ? — Des types ont découvert un corps, et vu la gueule du macchabée, ils ont couru jusqu’au premier commissariat. Du coup, on est tous sur place. — Comment ça, tous ? — Ben, il y a Mathias, Blanchard, Perridon, Grenier, et on attend les mecs de la Scientifique. La commissaire imagina un instant tous ces flics experts en je-ne-sais-quoi, leurs combinaisons blanches, leurs masques, leurs regards voilés derrière leurs lunettes et leurs appareils photo. Elle songea aux bottines enveloppées de film protecteur, aux mains gantées, à tous les gestes qui submergeraient la scène du meurtre. Et, comme si le lieutenant avait deviné son tracas, elle l’entendit ajouter : — Enfin, ils ne sont pas près d’être sur place. — Pourquoi ? — J’ai eu le capitaine Chenet au téléphone. Il est coincé à l’autre bout de la ville sur une histoire de corps carbonisés au fond d’un jardin. Aïcha ouvrit les yeux en grand, jeta un coup d’œil rapide sur son réveil et, convaincue que sa nuit était bel et bien terminée, elle s’assit au bord du lit. — Et c’est maintenant que vous m’appelez ! Franchement, Camorra, je vais avoir l’air de quoi à me pointer là-bas alors que tout le monde est déjà au turbin ? Vous ne pouviez pas me prévenir dès que vous avez su pour le corps ? — C’est Mathias, patronne. — Quoi, Mathias ? — Il a juste dit que vous étiez crevée, que vous aviez besoin de dormir et qu’une fois sur place, si ça valait la peine, il serait toujours temps de vous prévenir. Tout en parlant, elle avait coincé le combiné au creux de son cou, enfilé son jean et, accroupie au bord du lit, tentait de nouer les lacets de ses tennis. — Et depuis quand les médecins légistes décident de ce genre de choses ? Hein, depuis quand ? — J’en sais rien, moi. Vous voulez que je vous le passe ? — Non, ce n’est pas la peine. Je serai sur place dans dix minutes. Si les gars de la Scientifique se pointent, dites-leur de ne toucher à rien avant mon arrivée. — C’est comme si c’était fait. À tout de suite, patronne. — Oui, à tout de suite. Et dites à Mathias qu’il va entendre parler du pays ! Aïcha jeta le combiné au travers de la couette, enfila le premier sweater qui lui tomba sous la main, saisit le holster et son 357 Magnum sur le dossier du fauteuil, dans l’entrée. Elle décrocha du portemanteau la veste de cuir que Sébastien lui avait offerte quelques mois après leur rencontre, la jeta sur ses épaules et laissa la porte de l’appartement claquer derrière elle. * Le pied sur le champignon, Aïcha s’amusait du déclenchement lumineux des radars automatiques, des appels de phares dans son rétroviseur, des conducteurs matinaux doublés en trombe et qui pestaient à l’abri de leur habitacle. À cette heure, le sombre s’apprêtait à basculer vers le jour à venir. De rares carrés jaunes ponctuaient les façades grises des barres d’immeubles au pied desquelles des hommes mettaient en marche le chauffage des voitures, chassaient la buée comme pour effacer la nuit. Depuis quelque temps, ses nuits à elle touchaient à leur fin bien avant l’aube et, dans un demi-sommeil, les gestes s’enchaînaient en douceur. Enfiler un épais gilet pour sortir sur la terrasse, tirer une chaise au plus près de la rambarde et prendre place en silence. Écouter les bruissements du quartier qui termine ses rêves du sud, porter son regard au loin, là où la vue ne peut plus rien et laisse place à l’imagination, au douloureux fantasme du large qui s’emparait d’elle à l’heure de la nuit finissante… Sortie Les Arnavaux. Décélérer, négocier le virage, donner à l’attaque de la courbe suffisamment de vitesse et frémir d’un étrange bien-être au crissement des pneus sur l’asphalte. L’avenue du Marché National, le boulevard Lavoisier et, après avoir franchi deux feux orange sirène hurlante, la 407 bleu marine déboucha face à l’entrée de la zone industrielle des Arnavants. À l’allure des premiers bâtiments, elle se dit que l’endroit n’avait d’industriel que le souvenir et que le mot zone lui collait à merveille. Guidée par les lueurs rougeoyantes des gyrophares à quelques blocs de l’entrée principale, elle slaloma entre des carcasses de scooters et d’épaves diverses. Des friches à l’abandon, songea-t-elle, oubliées des décideurs et des capitaux. Des pans entiers de la ville livrés depuis des années aux voyous du quartier ou d’ailleurs, à leurs trafics en tous genres,

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