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Pourvu que mes mains s'en souviennent

Author/Uploaded by Quentin Ebrard

SOMMAIRE TitreChapitre 1Chapitre 2Chapitre 3Chapitre 4Chapitre 5Chapitre 6Chapitre 7Chapitre 8Chapitre 9Chapitre 10Chapitre 11Chapitre 12Chapitre 13RemerciementsCopyright Ici, j’oublie tout, absolument tout. La date du jour. Mes envies et mes rêves. Le visage de mes parents s’efface, celui de mes amis aussi. Dans ma bouche, la nourriture devient cendre. Ma fureur de vivre s’éteint et avec elle l...

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SOMMAIRE TitreChapitre 1Chapitre 2Chapitre 3Chapitre 4Chapitre 5Chapitre 6Chapitre 7Chapitre 8Chapitre 9Chapitre 10Chapitre 11Chapitre 12Chapitre 13RemerciementsCopyright Ici, j’oublie tout, absolument tout. La date du jour. Mes envies et mes rêves. Le visage de mes parents s’efface, celui de mes amis aussi. Dans ma bouche, la nourriture devient cendre. Ma fureur de vivre s’éteint et avec elle l’amour, l’espoir et la joie. Ces souvenirs lointains, que je poursuis tel un mirage, m’aident à ne pas défaillir, à me rappeler pourquoi j’ai pris ma décision : je dois fuir. Sinon cet endroit me tuera à petit feu, il a déjà tué tous les autres. C’est certain. Tous ont renoncé ici… Tous ont disparu dans le silence morbide de ce trou à rats. * Vers deux heures du matin, je m’approche de la fenêtre. Cette fois, je mets un coussin contre la vitre, c’est Simon qui m’a appris. Je prends un gros caillou. Je frappe, je frappe encore. Il faut faire vite. Le coton a beau étouffer les bruits, des morceaux de verre tombent. Zut ! On pourrait m’entendre… Je retourne à mon lit et saisis ma couette. Je me hisse sur le rebord et reprends mon souffle, les jambes dans le vide, contemplant le sol un étage plus bas. L’air frais me mord la peau, qui frissonne sous ma chemise de nuit rose. Du bout des doigts, je triture mon pin’s en forme d’avion. Je saute enfin. Par chance, je ne me casse rien ; même pas de cheville tordue. Dehors, je ne vois pas grand-chose. Le ciel est noir comme la mort. Aucun lampadaire à l’horizon. Rien. Juste les vagues et le ressac qui grondent au loin contre la falaise, l’éternel ressac. Quelques grillons chantent aussi parmi les hautes herbes et les champs de tournesols. Personne ne constatera ma disparition avant le petit déjeuner. Tous dorment à cette heure. Ils ne me rattraperont jamais. Mes yeux s’habituent à l’obscurité. Dans un silence électrique, je traverse le parking où stationnent de rares voitures. Un cri aigu fend mes oreilles. Je sursaute, craignant d’être démasquée. Une chouette s’envole. Elle hulule une seconde fois. J’y vois un bon présage. « Je suis… libre… comme toi désormais », lui dis-je en souriant. Sans regret, je quitte le château et sa silhouette effrayante dans la nuit. Cette prison ne me manquera pas. Je regretterai certains camarades peut-être… Juliette… Simon aussi… Oh ! je sais très bien ce que ces deux-là attendent de moi, chacun à sa manière, mais ils sont gentils, contrairement aux autres, tous ces idiots dont je ne me souviens déjà plus. Sur la route, je m’enfuis. Dans mon sac d’écolière, j’ai gardé quelques provisions volées à la cantine hier matin : une barre de céréales au chocolat écrasée, une brique de jus d’orange tiède et une banane noircie. Les paysages défilent au ralenti. Je traverse les champs monotones, balayés par les vents. Peu à peu, le bruit de la mer s’éloigne. Sur l’asphalte, je cours comme une dingue. De la sueur coule sur mon front et je rejette mes longs cheveux châtains en arrière. Le goudron pique ma voûte plantaire et des bobos me brûlent, mais je ne m’arrête pas, plutôt mourir que d’y retourner. Cet endroit me tue à petit feu. Je halète dans un étrange mélange d’excitation, de peur et de fatigue, d’espoir et de sommeil, somnambule de ma propre vie. Il faut marcher encore… Est-ce réel ? Je me demande ce qu’il y a au bout de cette route… Peut-être une gare et un train, avec un chef de station qui me montrera comment rentrer chez mes parents. Peut-être un bus pour m’emmener loin, loin. Mais je n’ai pas d’argent. J’ignore tout du monde du dehors. Il me tarde de retrouver les miens. Un panneau apparaît, m’indiquant une ville dont je ne parviens pas à déchiffrer le nom. Je lis seulement la distance, onze kilomètres. Au château, ça les étonne tous que je sache lire. Ils répètent souvent : « Louise a de la volonté », « Elle parle très bien pour son âge » ou encore « Elle a plein d’idées, c’est admirable ». Moi, je les trouve pitoyables. C’est normal de savoir lire à mon âge. Mon père m’a appris. Cet endroit me tue à petit feu. Les cachets violets qu’ils donnent m’abrutissent. À cause de ce poison, j’oublie tout : les murs, les esprits, les conversations, les souvenirs et le temps. C’est certain. Les autres ont renoncé ici… Tous ont disparu dans le silence morbide de ce trou à rats. Pas moi ! Voilà pourquoi je dois franchir onze kilomètres et m’évader : pour ne pas finir comme eux. Combien de foulées avant d’y arriver ? Je l’ignore et accélère, la mort aux trousses. Je me retourne souvent vers le château, plus petit mais toujours là. Je reconnais chaque ligne et chaque courbure de son ombre. Tout à coup, au loin, des lumières s’allument dans l’aile ouest où dorment les moniteurs. L’aile interdite. Moi, je les appelle les monos, quoique matons serait plus approprié. Oh non ! Ils sont déjà réveillés… À ma montre, il est trois heures du matin. Qui a vendu la mèche ? Sûrement Juliette ! Elle s’inquiète toujours pour moi. Je n’aurais pas dû lui dire adieu. Si elle veut mourir là-bas, c’est son problème. Je suis furieuse. Le bruit d’une portière claque, puis un moteur s’allume. J’accélère, malgré des douleurs toujours plus vives aux pieds. Ils me cherchent. Des phares blancs balaient la zone ainsi que des lampes torches. Le bruit de moteur se rapproche. Dans quelques minutes, mes poursuivants seront à mon niveau. On crie mon prénom. Je dois me cacher. C’est ma seule chance de ne pas y retourner. Je quitte la route et m’enfonce dans le champ de tournesols. À même la terre sèche et les cailloux, le sol pique plus encore. Je m’accroupis tout près de la chaussée, derrière deux rangées de plantes épaisses et hautes. Les monos passeront peut-être sans me voir… Ils tardent à arriver ; cette

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