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Si le geste est beau

Author/Uploaded by Benjamin Franceschetti

Si le geste est beau Si vous souhaitez recevoir notre catalogue et être tenu informé de nos publications, envoyez vos coordonnées en citant ce livre à : La Manufacture de livres, 101 rue de Sèvres, 75006 Paris ou [email protected] www.lamanufacturedelivres.com isbn 978-2-35887-947-7 Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisa...

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Si le geste est beau Si vous souhaitez recevoir notre catalogue et être tenu informé de nos publications, envoyez vos coordonnées en citant ce livre à : La Manufacture de livres, 101 rue de Sèvres, 75006 Paris ou [email protected] www.lamanufacturedelivres.com isbn 978-2-35887-947-7 Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. CHAPITRE 1 Un petit rond de taffetas rouge reposait sur l’œil mort du vieil homme. D’une main délicate, Fabre le décolla. C’était l’un de ces confettis qui continuaient à voleter dans les rues de Paris depuis Mardi Gras. Celui-ci avait dû se faufiler à travers la fenêtre brisée par l’explosion. Le commissaire se releva, laissant le confetti tomber lentement au sol. Alors, comme s’il avait été jusque-là aveuglé par ce détail, Fabre remarqua le corps du vieillard, le sang qui s’écoulait de sa gorge entaillée par des éclats de verre, la chair déchiquetée qui saillait à travers les déchirures des vêtements. Il détourna le regard pour se trouver face à une jeune femme que l’on aurait pu croire vivante. Un pas de plus lui permit de constater qu’elle avait la nuque brisée. Plus loin, un homme gisait face contre terre, le bras gauche séparé du corps, le visage en miettes. Il y avait du sang sur les murs, dans les assiettes et les tasses de porcelaine. Le chef de la Sûreté, Xavier Guichard, se tenait immobile entre deux cadavres. Fabre hésitait à s’en approcher lorsque le préfet de Paris entra. En raison de sa haute taille, il baissa la tête en passant la porte. Puis, sans doute en signe de respect envers les morts, il la garda courbée. Fabre apprécia le geste. Lui-même était dans la pièce depuis dix minutes, et il avait la sensation que son menton s’était vissé à sa poitrine. Le préfet enjamba un serveur allongé la main tendue vers la sortie, un trou à la place de l’œil gauche, le corps désarticulé. Les survivants et les blessés l’avaient piétiné dans leur fuite. Une grimace déforma le visage poupin du préfet. « Sept morts, murmura-t-il. Sept morts et des dizaines de blessés. En quelques secondes… » Il interrogea Guichard du regard. Celui-ci se contenta de lisser sa barbe bien taillée en faisant un geste d’impuissance. Le préfet se tourna alors vers Fabre, qui ne trouva rien à dire non plus. Un brusque éclair de lumière vint les surprendre. Un agent prenait la photographie d’un énième cadavre à l’aide d’un appareil haussé sur un trépied. Un peu plus loin, un membre de la Brigade scientifique inspectait le sol à la recherche de quelque chose. La police s’était modernisée grâce à Hennion, l’actuel préfet, et à son prédécesseur, Lépine, mais cela ne suffisait pas. Cela ne suffirait jamais. « Un crime crapuleux, je peux comprendre, dit Hennion. S’il y a un motif… – Il croit qu’il va changer le monde, monsieur. » La réponse venait d’un quatrième homme, à peine entré dans la pièce. Les autres le saluèrent de la tête. « C’était un attentat prévu à l’avance, continua-t-il. Deux au Châtelet. Deux devant le Luxembourg. Et deux ici. Trois attentats simultanés. À chaque fois, l’un attend dans la voiture pendant que l’autre lance la bombe. – À ceci près, corrigea Fabre, que les autres se sont contentés de faire exploser des pans de mur vides sans blesser personne. – De la destruction de biens, ajouta Hennion, mais pas de meurtre. La différence est capitale, Cerruti. » Fabre se tourna vers le chef de la Sûreté, resté muet. Guichard semblait un naufragé à la dérive. Il se réfugiait dans le silence, dans l’indifférence peut-être, afin de ne pas montrer de faille. Victor Fabre aurait voulu faire pareil. En tant que subordonné, il ne disposait pas de ce luxe. « J’imagine que notre tueur avait le même objectif, ou du moins la même consigne, répondit Cerruti… Et qu’il a changé d’avis. – Mais justement ! s’étrangla Hennion. Qu’est-ce qui a bien pu le faire changer d’avis ? » Guichard ouvrit enfin la bouche : « L’anarchie. C’est bien ce qu’il a crié, non ? » Fabre hocha la tête. Plusieurs témoins affirmaient que l’homme avait hurlé « Vive l’anarchie ! » avant de lancer la bombe. En d’autres termes, c’était un crime mystique, le fantôme d’Émile Henry ou de Ravachol. Mais nous étions en 1914 et les attentats fanatiques appartenaient au passé. « Au fond, cela n’a pas d’importance, rétorqua Hennion. Ce qui compte, c’est que ces hommes soient sous les verrous au plus vite, quel que soit leur motif. » Jugeant sans doute que sa consigne était claire, et poussé par un besoin devenu intenable de prendre la fuite, il retourna à la porte. Avant de l’ouvrir, il se tourna et ajouta d’une voix plus lente : « Je mets tout le monde sur cette affaire, bien entendu. Interrogez les témoins, diffusez les signalements, questionnez les mouchards. Bref, faites le nécessaire. Et si vous ne trouvez rien, j’imagine que les Brigades mobiles s’en chargeront. » Il s’échappa enfin. Un flash ponctua sa sortie. Fabre se plongea dans la contemplation des gestes du photographe qui, satisfait, déplaçait le trépied vers le cadavre de la jeune femme. Gestes mécaniques, répétitifs. Les mêmes pour immortaliser des cadavres, des prévenus, ou des familles endimanchées. Guichard, maintenant qu’il avait recouvré la voix, déclara avec amertume : « Il a raison. Les Brigades vont tout faire pour nous damer le pion. » Fabre se tourna vers lui. Durant une seconde, il ne sut pas quoi dire. Il fixa son chef de ses yeux tristes, les lèvres scellées. « L’important est que quelqu’un mette la main sur le tueur, lâcha-t-il enfin. Le reste… – Autant faire en sorte d’y parvenir les premiers. La Sûreté a

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