Temps calme, pleine tempête

Du même auteur Un truc sauvage Seuil, « Fiction & Cie », 2014 Soudain le large Seuil, « Fiction & Cie », 2017 Platines Seuil, « Fiction & Cie », 2019 COLLECTION« Fiction & Cie »fondée par Denis Rochedirigée par Bernard Comment En exergue : Lennon/McCartney, « Hey Jude », 1968,© Northern Songs Limited. Droits réservés. ISBN 978-2-02-151914-3 © Éditions du Seuil, janvier 2023 www.seuil.com Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. À Suzanne et à Elizabeth And don’t you know that it’s just you, hey Jude, you’ll do, The movement you need is on your shoulder. Paul McCartney, « Hey Jude » TABLE DES MATIÈRES Titre Du même auteur Copyright Dédicace I - Le début II - Le milieu III - La fin Après De ton tout petit long étalé sur la banquette du taxi qui traverse Paris, tu dors dans mes bras. Tes baskets rouges posées sur les sièges. Tu ne devrais pas mais je ne dis rien, pour ne pas te réveiller. Tu n’es pas attachée. Mes bras te protègent et moi, ce qui me protège, c’est la carrosserie et la confiance en un conducteur que je ne connais pas. Faut-il que je croie aussi en la probabilité que ce samedi soir, à 1 heure du matin, on ne croise la route d’aucun chauffard ivre mort ? Je caresse tes cheveux et ton visage, tes lèvres entrouvertes. Tes poumons qui gonflent ton corps écartent mes bras de quelques millimètres. Ton souffle siffle. La voiture se gare, je t’extrais délicatement et te garde serrée contre moi. Tu ne bouges pas. Seuls tes pieds désormais pendent dans le vide ; tes baskets rouges avec lesquelles tu m’as révélé ce matin courir plus vite. C’est vrai, je t’ai à peine rattrapée sur le trottoir. Je t’ai laissée gagner, mais si j’avais vraiment voulu t’attraper, l’aurais-je pu ? Si tu avais couru sans t’arrêter jusqu’à la route, le regard hilare tourné vers moi, ton petit corps lancé en avant, l’impact certain avec l’une ou l’autre voiture qui aurait déboulé sur le boulevard à toute allure, n’imaginant pas ILE DÉBUT Nous partons tôt ce matin. Plus tôt encore que pour aller à l’école. Tu as du mal à te lever et machinalement tu remets les chaussettes que j’ai fait tomber hier au pied de ton lit. Je te laisse faire, je n’en trouve pas de propres. Ta culotte peut encore tenir une journée, et pour le reste je te fais confiance. Ou plutôt je ne me fais pas confiance. Tu t’habilles comme tu veux, ce sera mieux. C’est plus efficace et c’est joli cet assemblage d’imprimés que tu improvises. Carrés sur rayures. Horizontales sur verticales. Points sur lignes. Je sais aussi que je peux perdre patience dans ces cas-là. J’ai peu dormi. Mon corps est en manque de l’alcool qu’il a bu hier et en saturation du tabac qu’il a fumé. Dans un sac, je fourre quelques affaires. Je ne peux pas tout emporter, alors je prends au hasard. Ce sera toujours une bonne surprise. Il faudra simplement oublier tout ce que je n’ai pas pris. Tes livres, tes peluches, tes poupées, tes babioles en plastique et tes souvenirs, tes milliers de souvenirs. Des tickets de cinéma et de musée, des photos ratées ou réussies, des graviers et des galets, des morceaux de bois et tout ce que tu as en tête et qui passera. Je ne me souviens