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Un honnête homme

Author/Uploaded by Isabelle Flaten

Isabelle Flaten UN HONNÊTE HOMME Éditions Anne Carrière De la même auteure Romans Triste boomer, Le Nouvel Attila, 2022 La Folie de ma mère, Le Nouvel Attila, 2021 ; Points 2022 Les Deux Mariages de Lenka, Le Réalgar, 2020 Adelphe, Le Nouvel Attila, 2019 ; J’ai Lu 2020 Bavards comme un fjord, Le Réalgar, 2017 Chagrins d’argent, Le Réalgar, 2016 Lettre ouverte à un vieux crétin incapable d’écraser...

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Isabelle Flaten UN HONNÊTE HOMME Éditions Anne Carrière De la même auteure Romans Triste boomer, Le Nouvel Attila, 2022 La Folie de ma mère, Le Nouvel Attila, 2021 ; Points 2022 Les Deux Mariages de Lenka, Le Réalgar, 2020 Adelphe, Le Nouvel Attila, 2019 ; J’ai Lu 2020 Bavards comme un fjord, Le Réalgar, 2017 Chagrins d’argent, Le Réalgar, 2016 Lettre ouverte à un vieux crétin incapable d’écraser une limace, Le Réalgar, 2016 Les Noces incertaines, Le Réalgar, 2014 L’Imposture (avec Anne Gallet), La Dernière Goutte, 2008 Nouvelles Ainsi sont-ils, Le Réalgar, 2018 Se taire ou pas, Le Réalgar, 2015 Les Empêchements, La Dernière Goutte, 2012 ISBN : 9782380822977 © S. N. Éditions Anne Carrière, Paris, 2023 www.anne-carriere.fr À Gaspard, Camille, Constance, Gabriel, Mahaut, Adèle et Paulin « … Mais cependant, quelle idée avez-vous donc des femmes, ô vous qui êtes du troisième sexe ? Est-ce qu’elles ne sont pas, comme a dit Proudhon, “la désolation du juste” ? Depuis quand peuvent-elles se passer de chimères ? » Gustave Flaubert,Lettre à George Sand, 19 septembre 1868 Toute coïncidence ou ressemblance avec des personnages ou des faits ayant réellement existé dans le roman de Gustave Flaubert intitulé Madame Bovary n’est ni fortuite ni involontaire. Les mots ou expressions suivis d’un astérisque sont extraits du roman de Flaubert, Madame Bovary. Il ronfle. Sa mauvaise haleine l’incommode. Quel accoutrement ! Il ressemble à un charretier. Cette insupportable manie qu’il a de siffloter dès le matin. Elle le prie de bien vouloir boire son café sans lui infliger ces horribles bruits de bouche… Sous un ciel ombreux, une silhouette élancée zèbre l’horizon d’un galop éclair. Talonné par les éperons sans pitié de Charles, fouetté par sa cravache, les naseaux dilatés, les flancs luisants de sueur, le cheval force l’allure et fend les hautes herbes. Le cavalier ne va nulle part, seule lui importe l’échappée, de fuir son reflet, le désagréger dans le vent, qu’il le dilue dans son souffle. Mais le vent est sournois et balaie les remords l’instant d’un leurre. Voltigeur illusoire, il se fond dans un azur qui semble sans menace puis revient vous gifler d’une bourrasque en plein visage pour vous rappeler qui vous êtes. Démuni comme jamais, Charles songe à noyer la sordide image qu’il a de lui-même dans les flots mais c’est pour l’heure un horizon chimérique : sa monture est épuisée, la mer est à plus de six lieues d’ici. Et l’ignominie est insubmersible, une carcasse d’acier qui broie ses entrailles, enserre sa cervelle, le dévore. Il ne peut pas lutter, le monstre en lui le hante, quelqu’un qu’il ne reconnaît pas, à deux doigts d’avoir commis le pire. Le meurtrier reclus en tout homme a surgi sans prévenir, cela peut arriver à chacun se dit-il pour apaiser sa conscience, pas de quoi en faire une tragédie. Mais les tragédies ne naissent-elles pas de pulsions assassines indomptées ? Pourquoi le démon a-t-il pris la parole aujourd’hui plutôt qu’hier ou demain, il l’ignore. D’une main brusque, il tire sur les rênes pour ralentir l’animal et le guide vers le chemin rocailleux longeant Tostes. Chahuté sur sa selle, la casquette de travers et la caboche sans issue, il ne peut s’empêcher de ressasser ce geste qui l’a amené là, à sauter sur sa monture comme vers une terre vierge où s’effacerait sa faute. Dans l’espoir de s’être fourvoyé un instant encore – l’esprit parfois convertit des broutilles en abîme –, il rejoue la scène, se replace à côté de sa femme, hélas ! toute méprise est impossible. Il revoit avec une cruelle précision ces yeux qui suintent la condescendance, ces lèvres cinglantes qui le somment une fois de plus d’arrêter de siffloter, et pour la dernière fois de retirer cette casquette de guignol, indigne d’un officier de santé. Il le ressent encore, ce bouillonnement fou débordant sa chair, ce coup de coude féroce qu’il lui balance dans les côtes. Bien que dotée d’une musculature de sauterelle, Héloïse n’a, par chance, pas chuté. Elle a hurlé à la mort, il s’est enfui. Depuis le cri lui écorche l’oreille, il s’en veut de ne plus être lui-même et de ne pas savoir comment le redevenir. Parce qu’il aurait pu la tuer. Un inconfortable murmure lui souffle des choses désagréables à entendre, peut-être n’a-t-il jamais été celui qu’il croyait être, un homme digne de ce nom, taillé pour la maîtrise de soi et capable de mansuétude. Il descend de cheval, noue les rênes à une branche et s’assied sur une grosse pierre plate pour tenter de saisir ce qui lui a échappé. Tandis que les fleurs des prés offrent leurs corolles au soleil revenu, que les épis de blé s’épanouissent dans les champs, il se recroqueville sur son accablement, le visage entre les mains et l’âme en vrac. Puis très vite il se ressaisit, relève la tête, affiche un air ordinaire – si jamais quelqu’un venait à passer par ici, il n’aurait pas de mots pour expliquer ce qu’il fait là, sombre épouvantail échoué sur un caillou. Toutefois personne ne trouvera matière à redire, ni à médire, en croisant un médecin qui s’offre un instant de répit avant de rendre visite à son prochain patient. Entre Héloïse Dubuc et lui, les choses ne vont pas comme il l’avait prévu. Il s’était figuré le mariage telle une porte grande ouverte sur un lendemain prometteur. Il lui semblait qu’avec une épouse à son bras, il allait enfin pouvoir emprunter la route commune, être de plain-pied parmi les autres. Jusqu’à ses noces, il avait été emmuré dans une forme d’exil difficile à identifier, prisonnier d’un espace flou, soumis à un sentiment d’entre-deux mais il ne savait pas de quoi. De son enfance seul subsiste l’oisillon égaré qu’il était alors, sans ailes et sans refuge sinon dans les jupons de sa mère et dans la nature, sa seconde mère, source d’inépuisables consolations. De longues années peuplées de solitude, pas le moindre ami, seul son chien partageait ses rêves et ses jeux. L’animal était ce frère qu’il n’aurait

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