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Valcrétin

Author/Uploaded by Régis Messac


 
 
 
 
 
 Couverture : tableau de Lamy© 1972 Galerie Valérie Schmidt41, rue Mazarine. Paris
 (Collection Y. Poupard Lieussou)
 
 
 VALCRÉTIN
 Chez le même éditeur
 Régis Messac
 QUINZINZINZILI
 LA CITÉ DES ASPHYXIÉS
 
 © 1973, by Édition Spéciale – Édition et Publications Premières
 Régis Messac
 VALCRÉTIN
 suivi de
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 Couverture : tableau de Lamy© 1972 Galerie Valérie Schmidt41, rue Mazarine. Paris
 (Collection Y. Poupard Lieussou)
 
 
 VALCRÉTIN
 Chez le même éditeur
 Régis Messac
 QUINZINZINZILI
 LA CITÉ DES ASPHYXIÉS
 
 © 1973, by Édition Spéciale – Édition et Publications Premières
 Régis Messac
 VALCRÉTIN
 suivi de
 MUSIQUE ARACHNÉENNE
 J.-C. Lattès-Édition Spéciale
 VALCRÉTIN
 1
 — Plus d’espaces inexplorés sur le globe ? Quelle plaisanterie !
 Je me rappelle encore sur quel ton Corrabin lança cette phrase. Charles Corrabin, un ami de toujours ; un grand basque brun et efflanqué, aux longues jambes presque toujours gainées de houseaux de cuir, que j’avais amené chez mon maître, le professeur Baber. Je fais de la médecine en amateur, n’ayant rien de mieux à faire, et ça fait passer le temps d’aider le maître dans ses recherches. Et ça vous donne une petite auréole : « M. Le Bret, vous savez, le collaborateur du professeur Baber… » Quand on n’a pas quelque chose comme ça à son actif, on a trop l’air d’un imbécile. Les gens comme moi, du moins.
 Nous étions sous la véranda vitrée de la villa du maître, au Vésinet ; on venait de prendre le café, la longueur et la vigueur d’octobre se répandaient autour de nous sur les massifs de lauriers et de seringas et dans la chaude couleur des feuilles de platane qui jonchaient les allées.
 — Plus d’espaces inexplorés ! répéta Corrabin, enfourchant à nouveau son dada (et il avait vraiment l’air d’un cavalier, à califourchon sur sa chaise, avec ses guêtres et ses longues jambes). Des blagues, tout ça ! Lieux communs, faux truismes pour discours de comices agricoles ! Sans parler des terres encore inconnues, plus nombreuses qu’on ne croit, seule une faible, bien faible partie des océans a été sillonnée par les navires des Blancs. C’est facile à comprendre. Tous ces navires vont quelque part ; ils suivent le plus court chemin, ou le plus commode, les sentiers battus, les voies connues et reconnues ; ils s’écartent soigneusement des régions où ils pourraient rencontrer des tempêtes, des récifs, des bas-fonds. On peut dire, en un sens, que la navigation à vapeur a porté un coup mortel aux découvertes. Le voilier n’était pas exactement maître de sa route, il s’en écartait souvent, souvent et les aires balayées par la navigation à voile était d’autant plus vastes. Aujourd’hui tous les vapeurs engagent leurs hélices dans le même sillage. En dehors de quelques sentiers maritimes d’une vingtaine de kilomètres de largeur, au plus, les océans sont déserts. Il n’y passe et n’y passera plus jamais personne. Ou bien ceux qui s’y aventurent malgré eux n’en reviennent pas. C’est à peine si les voies aériennes ont augmenté ces périmètres fréquentés, puisqu’ils volent le plus souvent à des altitudes stratosphériques. Ainsi, des espaces immenses demeurent inexplorés. Qui sait ce qu’on y trouverait, s’ils étaient méthodiquement parcourus par des vaisseaux chercheurs, armés pour voir ce qui se passe et non pour aller d’un point à un autre par le plus court chemin… Les îles perdues dont on a oublié l’existence, les découvertes oubliées qu’il faudrait refaire, et celles que personne n’a jamais faites… Sans compter les îles volcaniques, les îles temporaires, à jamais perdues, elles ; leur surrection a passé inaperçue parce que personne ne se trouvait là pour y assister. Après un séjour éphémère de quelques années ou de quelques siècles dans notre sphère – notre biosphère – elles se sont abîmées sans retour dans les profondeurs. Vous vous rappelez l’histoire de l’île Julia, un instant fameuse…
 — Justement, dis-je, si elle était si fameuse, c’est qu’on l’avait vue.
 — Parce qu’elle avait surgi dans la Méditerranée, dans des parages très fréquentés. Mais si le même phénomène s’était produit – et il a dû se produire – dans des régions inconnues de l’océan Pacifique ou de l’océan Indien, qui l’aurait su, qui l’aurait dit ?
 Le maître et moi, les dames présentes, tout le monde sourit de l’ardeur que Corrabin apportait à sa démonstration. C’était bien de lui de s’emballer ainsi, de mener tout au grand galop, un plaidoyer pour une idée saisie au vol, un voyage, une entreprise quelconque, sentimentale ou financière.
 — En l’espèce, dit posément le professeur de sa petite voix douce et flûtée d’enfant fatigué, il ne s’agit pas précisément de parages lointains, ou tout au moins écartés. L’île en question se trouve presque à proximité de la côte d’un pays civilisé. Que dis-je ? Elle est incorporée au territoire de ce pays, le Chili. Elle est à quelques heures de navigation seulement d’un port où l’on trouve toutes les ressources de la civilisation moderne.
 — Qu’est-ce que ça prouve ? dit Corrabin d’un ton triomphant, sinon que j’ai raison encore plus que je ne le disais. L’inconnu est à nos portes. Sur le territoire d’un État civilisé, comme vous dites, voilà qu’on découvre les restes d’une civilisation primitive, un peuple sorti de la nuit des temps, de l’obscurité de la préhistoire, de la non-histoire.
 Renversé dans son fauteuil de rotin, le professeur se caressa machinalement la barbe et fit la moue.
 — Une population primitive, c’est beaucoup s’avancer… Pour moi, ce sont bien plutôt des dégénérés.
 — En tout cas, dit Corrabin, qui ne voulait à aucun prix démordre de son opinion, ce sont des inconnus. Personne ne savait qu’ils étaient là.
 Cette discussion avait été provoquée par un article paru dans une revue américaine que le professeur tenait encore à la main, et dont il nous avait lu ou traduit les principaux passages. Les faits allégués étaient d’ailleurs appelés à faire le tour de la presse, et c’est pourquoi je me borne à les rappeler succinctement. À vrai dire, vous les avez peut-être oubliés : il s’est passé tant de choses depuis.
 Il s’agissait du fameux récit du capitaine Bouvaz, commandant le vapeur Capiton, au service d’une maison de commerce de Valdivia. À la suite d’une avarie de machine, survenue au S.S.W. de l’île de Chiloé, le Capiton

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