Author/Uploaded by Jérôme Hallier
Jérôme Hallier La Mécano de la Jamais Contente Flammarion © Flammarion, 2023. ISBN Numérique : 9782080285614 ISBN Web : 9782080285621 Le livre a été imprimé sous les références : ISBN : 9782080285607 Ouvrage composé et converti par Pixellence (59100 Roubaix) Présentation de l'éditeur « Le siècle se terminait lentement, et l’on pensait déjà au suivant, tout en préparant la grande Exposition unive...
Jérôme Hallier La Mécano de la Jamais Contente Flammarion © Flammarion, 2023. ISBN Numérique : 9782080285614 ISBN Web : 9782080285621 Le livre a été imprimé sous les références : ISBN : 9782080285607 Ouvrage composé et converti par Pixellence (59100 Roubaix) Présentation de l'éditeur « Le siècle se terminait lentement, et l’on pensait déjà au suivant, tout en préparant la grande Exposition universelle de Paris qui devait lancer avec faste les années 1900. Cependant, des impatients refusèrent que leur époque connaisse une fin tranquille et décidèrent de l’achever à folle allure. Ils partageaient la même passion : la locomotion nouvelle. Et la même obsession : la vitesse. » Paris, automne 1898. Une jeune mécanicienne de génie prend part à la confrontation entre Camille Jenatzy et le comte de Chasseloup-Laubat, pionniers de la course automobile. À partir d’une histoire vraie, Jérôme Hallier brosse une fresque sur le tournant du siècle où l’amour se mêle aux rivalités et la passion s’accorde avec l’intuition de la modernité. Né à Caen, Jérôme Hallier travaille à Francfort dans une entreprise japonaise. Il est l’auteur de deux autres romans, La Geisha et le Joueur de banjo et Briller pour les vivants (prix Pégase et prix Jules Rimet 2020). Du même auteurLes Portraits sonores du docteur Léon Azoulay, Flammarion/Versilio, 2018. (Publié sous le titre La Geisha et le joueur de banjo chez J’ai Lu, 2019.) Briller pour les vivants, Flammarion, 2020. La Mécano de la Jamais Contente À ma sœur Sophie. « Le diable peut-être, mais un bon diable assurément. » Georges Prade Le siècle se terminait lentement, et l’on pensait déjà au suivant, tout en préparant la grande Exposition universelle de Paris qui devait lancer avec faste les années 1900. Cependant, des impatients refusèrent que leur époque connaisse une fin tranquille, et décidèrent de l’achever à folle allure. Ils partageaient la même passion : la locomotion nouvelle. Et la même obsession : la vitesse. À partir de l’automne 1898, ils s’affrontèrent sans répit, se rendant coup pour coup, recommençant après chaque échec, dépassant tour à tour les records. Beaucoup n’y virent qu’une question d’honneur, une rivalité entre deux ego. On disait : « En font‑ils une poussière ! » Voici le récit de la confrontation entre Camille Jenatzy et le comte de Chasseloup-Laubat. Chapitre 1 « L’absence de cheval devant le siège du conducteur me semblait inconcevable. » Pauline de Pange Paris, dimanche 3 juillet 1898 Dans le jardin des Tuileries, on se bousculait sous des vélums blancs pour observer les étonnantes machines de la première Exposition internationale d’automobiles. Parmi les connaisseurs, les pétrolistes s’attardaient devant les modèles Panhard et Levassor, tandis que les vaporistes étudiaient les véhicules Bollée ; mais la majorité des visiteurs étaient simplement des curieux venus découvrir ces engins insolites. Certains s’enthousiasmaient pour la locomotion nouvelle, d’autres étaient sceptiques : « Non, vraiment, une voiture sans attelage, ce n’est pas joli. » Le comte de Chasseloup-Laubat voguait entre les redingotes, les plumes et les robes en dentelle. En tant que délégué de l’Automobile Club de France, il était bien connu des exposants. Il ôtait son chapeau, saluait et échangeait des politesses. Il souriait toujours, sans se rendre compte que l’éventail des femmes, quand il leur parlait, s’agitait un peu plus. Parfois, il heurtait un dos avec sa sacoche et se confondait en excuses. L’exaspération de la personne bousculée s’envolait aussitôt devant le charme inné du coupable. Bien que l’organisation de la course Paris-Amsterdam occupât tout son temps, le comte avait promis de visiter le stand de son ami, le constructeur Charles Jeantaud. Après avoir dépassé l’orchestre qui jouait La Marche des cambrioleurs, il pénétra dans la grande tente des véhicules électriques, au bout de l’allée de Castiglione. Les six voitures de Jeantaud étaient exposées à l’entrée. Le joyau de l’inventeur était un cab deux places dont la forme audacieuse – le siège du conducteur était placé en hauteur, derrière les passagers – lui avait valu le premier prix au concours des fiacres électriques. * — On étouffe ici ! Camille Jenatzy grognait en avançant à contre-courant de la foule qui peuplait la grande tente. Il se dirigeait vers la sortie, évitant de justesse ceux qui se trouvaient sur son passage, visiblement préoccupé par une affaire urgente. Il marchait vite, de la sueur coulait entre ses sourcils froncés. Dans sa hâte, il percuta une femme qui dut s’agripper à un cordeau pour ne pas chuter. Il s’arrêta, agacé, et lui proposa son aide en tendant la main. Elle secoua la tête en signe de refus. Les traits faunesques de cet homme, soulignés par sa barbe rousse, dégageaient une troublante animalité. D’instinct, elle avait reculé son bras pour ne pas qu’il s’en saisît. Sans lui accorder plus d’attention, Jenatzy reprit sa marche vers la sortie, déboulant dans les allées comme une tornade, râlant et bousculant les gens agglutinés devant les automobiles. * Gaston de Chasseloup-Laubat salua son ami en précisant qu’il passait en coup de vent. Jeantaud répondit par un regard crispé en direction du stand à l’opposé du sien. Entre des drapeaux belges, trônait une pancarte : « Compagnie générale des transports automobiles » ; et, derrière, dormaient deux engins vert foncé : un dog-cart1 et un ancien fiacre à cheval, portant le numéro 13 sur sa portière, converti en véhicule électrique par l’ajout d’un moteur. — Mon cher Chasseloup, vois-tu cette chose ? Tu appelles ça une automobile ? On a pris le premier coupé venu, arraché ses brancards et son avant-train et fourré dedans un tournebroche. — C’est malin, commenta le comte. — Tu ne vas tout de même pas faire l’éloge de Jenatzy ! On dit qu’il conduit comme un fou furieux. — Je ne l’ai jamais rencontré, ni jamais vu conduire, je ne pourrais te dire… Tu es dur avec lui. Vu d’ici, le dog-cart, à côté du fiacre, est plutôt sympathique. — Je voudrais lui parler en face à cet apprenti électricien. Qu’il rentre à Bruxelles, chez son papa, dans ses usines de caoutchouc, et qu’il ne vienne pas