Author/Uploaded by Alia Cardyn
Couverture : © Kerstin Marinov / Trevillion Images © Éditions Robert Laffont, S.A.S., Paris, 2023. ISBN : 978-2-221-26284-9 « Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévu...
Couverture : © Kerstin Marinov / Trevillion Images © Éditions Robert Laffont, S.A.S., Paris, 2023. ISBN : 978-2-221-26284-9 « Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. » Éditions Robert Laffont – 92, avenue de France, 75013 Paris Ce document numérique a été réalisé par PCA Suivez toute l’actualité des Éditions Robert Laffont sur www.laffont.fr. Aux enseignants, À ceux qui voient partout l’envie d’apprendre, À ceux qui pensent que la beauté peut se trouver en chacun, À ceux qui aimeraient prendre le temps d’admirer les miracles du quotidien, À ceux qui ont compris que leur passage dans la vie d’un enfant peut le réparer, l’émerveiller et parfois le sauver, Et surtout, à ceux qui essaient, le plus souvent possible, Ma gratitude à ces bâtisseurs d’un monde meilleur parce que rien n’est plus puissant qu’une génération de gens heureux. Sommaire Couverture Titre Copyright Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4 Chapitre 5 Chapitre 6 Chapitre 7 Chapitre 8 Chapitre 9 Chapitre 10 Chapitre 11 Chapitre 12 Chapitre 13 Chapitre 14 Chapitre 15 Chapitre 16 Chapitre 17 Chapitre 18 Chapitre 19 Chapitre 20 Chapitre 21 Chapitre 22 Chapitre 23 Chapitre 24 Chapitre 25 Chapitre 26 Chapitre 27 Chapitre 28 Chapitre 29 Chapitre 30 Chapitre 31 Chapitre 32 Chapitre 33 Chapitre 34 Chapitre 35 Chapitre 36 Chapitre 37 Chapitre 38 Chapitre 39 Chapitre 40 Chapitre 41 Chapitre 42 Chapitre 43 Chapitre 44 Chapitre 45 Chapitre 46 Chapitre 47 Remerciements Bande-son de ce roman De la même autrice 1 On devrait toujours être légèrement improbable. Oscar Wilde, Aphorismes Ce matin, mon corps me pèse. Je voudrais me tenir debout mais il me force à m’asseoir. Habituellement, l’énergie parcourt mes veines et me permet de me dresser telle une flèche. Aujourd’hui, rien de tout cela. Je fais acte de présence. Devant moi, des rangées de bureaux alignés au centimètre près. Petites formes assises, dociles, dos droit, regard braqué sur moi : Madame Ella. Je suis debout, ils sont assis. Ensemble, nous composons ce tableau typique de la maîtresse face à sa classe. Ils sont vingt-cinq, âgés de sept ou de huit ans. C’est le premier jour d’école. Leurs visages bronzés sont sérieux. L’année passée, ils ont appris à s’asseoir, à rester immobiles, silencieux, un temps pour le travail, un autre pour les questions. Ils ont aussi appris à lire et à écrire. J’ai la tête qui tourne à nouveau, je m’appuie d’une main sur le dossier de ma chaise et deviens cette tangente dans une classe verticale. Je tente de me concentrer sur un élément fixe à l’horizon. Je veux me distraire de ce cœur qui bat à un rythme différent, de l’afflux sanguin, masse chaude qui enveloppe maintenant ma poitrine et fait pétiller mes joues. Un instant, je souris de moi, autorité sur le point de vaciller. La pièce est large et profonde. Elle a été peinte d’un blanc grisâtre, une couleur qui ne se salit pas facilement. Un choix qui accueille les petites mains et la trace que laissent leurs doigts. Au-dessus du tableau derrière moi, des mots en écriture cursive, les voyelles en couleurs, les consonnes en gris, s’épanouissent en guirlandes ployant sous leur poids. Les murs transpirent ces connaissances de base, les imposent à qui voudrait glisser dans la rêverie. Sur celui face aux grandes fenêtres, des tables de multiplication à l’encre décolorée donnent une indication précise de la course du soleil dans notre classe. Dans le fond, sont accrochées quelques règles de grammaire. Je m’interroge sur leur utilité puisqu’ici il est interdit de se retourner. Je passe d’un pied sur l’autre, nerveuse, et appelle sans le vouloir le chant du parquet. Il grince, il bouge, il est souvent le seul murmure au milieu de nos présences tranquilles. Le premier lundi du mois, il est ciré tôt le matin. Il dégage alors un parfum d’antan qui s’estompe au fil des semaines, sous le bruit de nos souliers. Les bancs en chêne sont là depuis toujours. Lentement, leur couleur a viré comme si elle voulait se confondre avec celle des lattes au sol. Une forme de mariage étrange, sous l’impulsion des années. Tout ce bois ancien nous donnerait l’impression d’être à une autre époque, s’il n’y avait pas cette profusion de marqueurs fluorescents dispersés en autant de rappels criants que nous sommes bien aujourd’hui. On m’avait prévenue. Tu verras, c’est le plus bel âge. Les sept-huit. L’âge doré. Ils s’émerveillent de tout, ils sont autonomes sans être rebelles. J’avance avec cette tranche de vie depuis six années déjà. Je connais leurs faiblesses, leurs forces, leurs rêves, ce qui les motive, ce qui les ennuie (à mourir, précisent-ils en appuyant leur tête sur une main). À force de la répéter, je connais la matière par cœur. Je tire les fils pour faire émerger les savoirs, j’observe les déclics, je m’inquiète lorsqu’ils ne se produisent pas. Je m’émerveille aussi mais plus rarement. Le programme scolaire est clair, précis, imperturbable. Il se découpe en objectifs, atteignables en dix mois de cours. Par tous. Enfin par tous ceux qui réussiront. On parle des autres comme de ceux qui ont besoin d’approfondir encore la matière. Une façon créative de parler d’échec, de nuancer le manque, de voiler la différence. J’observe leurs visages et je ne peux m’empêcher d’y voir des opportunités encore muettes. Il semble y avoir plus que ce que le programme ambitionne de révéler, plus que le nombre de ces compétences à acquérir. Parfois, j’aimerais qu’il y ait plus. Souvent, les années se confondent parce qu’elles se ressemblent trop. Alors, je me penche sur mon cahier pour vérifier où nous en sommes dans cette