Le réseau Jane

Après une carrière dans la communication politique, Heather Marshall s’est tournée vers sa véritable passion : raconter des histoires. Son premier roman, Le Réseau Jane, s’est hissé dès sa parution en tête des ventes au Canada et est en cours de traduction dans le monde entier.Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales.Titre original : Looking for JaneCopyright © Heather Marshall Inc., 2022Traduit de l’anglais (Canada) par Laurent BuryDesign de couverture : Caroline GiouxIllustration : © Leornardo Baldini / Arcangel Images© 2023 Éditions Charleston (ISBN : 978-2-36812-884-8) édition numérique de l’édition imprimée © 2023 Éditions Charleston (ISBN : 978-2-36812-957-9).Rendez-vous en fin d’ouvrage pour en savoir plus sur les éditions Charleston Pour R., fruit très désiré d’une maternité très volontaire. 2010C’est par une journée tout à fait ordinaire qu’un message véritablement extraordinaire fut délivré au mauvais destinataire.Les boîtes aux lettres étaient identiques, placées côte à côte, fabriquées dans le même métal léger et bon marché, désormais rouillé près des charnières. Elles étaient rivées au mur de briques brunes, à côté de la porte du magasin d’antiquités ; cette porte dont on entendait, chaque fois qu’un client entrait ou sortait, le carillon délicieux – ou exaspérant –, selon les goûts.À gauche, la boîte de Thompson Antiquités & Livres Anciens arborait le chiffre 1 sous la forme d’un auto-collant doré à moitié arraché. À droite, un autocollant semblable attribuait le numéro 2 à la boîte de l’appartement situé au-dessus de la boutique. Il n’y avait réellement pas grande différence, mais cela fit toute la différence pour Nancy Mitchell, qui habitait au premier étage et qui ne sut jamais qu’on lui avait envoyé une lettre.L’adresse ne précisait pas auquel des deux numéros du vieux bâtiment de College Street le message était destiné. L’enveloppe fut donc jetée sans cérémonie dans la boîte du magasin d’antiquités, et le facteur s’empressa de poursuivre sa tournée sans se poser de questions.La lettre retint sa respiration pendant trois heures, coincée entre une carte postale écrite par le fils de la gérante de la boutique, alors en voyage en France, et tous les courriers indésirables de ce vendredi, jusqu’au moment où l’antiquaire ouvrit la boîte pendant sa pause cigarette. Elle vida le courrier dans un panier où il serait ensuite trié – et hélas, mal placé – par un employé désinvolte.Son contenu ne serait découvert que sept années plus tard. Et cette lettre devait changer à jamais la vie de trois femmes. PREMIÈRE PARTIE 1AngelaToronto, janvier 2017Angela Creighton sera en retard à son travail.La veille, elle s’est couchée tard, et ce matin elle se réveille avec une migraine qui tombe très mal. Prenant bien soin de ne pas déranger son épouse, qui profite du dimanche pour faire la grasse matinée, elle part vers la cuisine sur la pointe des pieds. Elle boit un verre de jus d’orange avec pulpe pour avaler plus facilement un antalgique, fait griller un bagel et y étale trop de fromage frais ail et fines herbes. Serrant son petit déjeuner entre ses dents comme un chien de chasse, elle se coiffe d’un chapeau et boucle la ceinture de son manteau écossais, puis ferme sans bruit la porte de l’appartement et descend quatre à quatre les marches de l’immeuble.Sur le trottoir, Angela court jusqu’à l’arrêt de bus tout en mâchonnant le bagel et en cherchant ses lunettes de soleil dans son sac à main. En temps normal, elle serait ravie, car les journées ensoleillées sont rares en hiver. Mais la lumière la fait grimacer et elle a la tête qui vibre comme si on lui avait tiré une balle entre les deux yeux.Hier soir, elle était chez son amie Jenn pour leur book-club mensuel ; comme souvent au cours des six derniers mois, la réunion a viré à la dégustation de vins. Désormais, elles boivent trop de pinot gris médiocre, elles s’empiffrent désespérément de charcuterie et de fromage – on croirait que c’est leur dernier repas avant la chaise électrique – et elles parlent parfois des livres qu’elles ont lus.Cela faisait longtemps qu’Angela n’avait plus participé à une soirée arrosée, mais hier soir, elle s’est lâchée. Depuis sa fausse couche, c’est le seul moment un peu joyeux qu’elle ait vécu, malgré son côté lamentable, et elle a voulu en profiter au maximum. Dès que son corps sera suffisamment remis, Tina et elle repartiront pour une nouvelle série de traitements contre l’infertilité, alors elle s’est dit qu’en attendant, elle avait tout intérêt à boire autant qu’elle le pourrait. C’est sa seconde fausse couche en un an, et les chances semblent diminuer chaque fois qu’une insémination artificielle ou une grossesse échoue. Une bonne dose d’alcool donne l’impression que les obstacles à surmonter sont un peu moins élevés, au moins pendant un court moment.Le bus s’approche et Angela monte, elle insère sa carte dans la fente métallique et trouve une place libre près de la porte arrière. Le magasin qu’elle dirige – Thompson Antiquités & Livres Anciens – se situe à moins de huit kilomètres. Quelques arrêts plus tard, elle sort du bus en titubant dans la neige fondue.Il y a déjà du monde dans College Street, le trottoir est étroit, et Angela se plaque contre la porte de la boutique pour ne pas gêner les piétons, le temps de retrouver ses clés. La hanche contre le vieux bois gauchi, elle finit par entrer brusquement, puis referme derrière elle.Angela se sent bien dans le bric-à-brac de ce magasin, qui abrite des ouvrages divers et variés qui n’y séjournent jamais longtemps et une collection d’anciens objets hétéroclites qui, à l’inverse, ne semblent jamais se vendre. Cela sent la cire d’abeille, le