Les Fantômes de Kiev

DU MÊME AUTEUR Le Huitième Fléau, Robert Laffont, 1999 ; Pocket, 2001. La Menace Mercure, Robert Laffont, 2000 ; Pocket, 2002. Élixir, Robert Laffont, 2004 ; Pocket, 2006. L’Homme de Kaboul, Robert Laffont, 2011 ; Points, 2019. Baad, Robert Laffont, 2016 ; Points, 2017. Kaboul express, Robert Laffont, 2017 ; Points, 2018. L’Espion français, Robert Laffont, 2021 ; Pocket, 2022. Cédric Bannel Les fantômes de Kievroman « La vérité n’est pas au milieu, elle est là où elle est. » Adam Michnik « La guerre de Poutine en Ukraine s’est transformée en véritable djihad russe. » Sergueï Medvedev SOMMAIRE Du même auteur Titre Dix jours plus tôt I - La quête II - La traque Épilogue Journal d'Iryna Remerciements Copyright Carte du trajet d’Edgar en Roumanie, dans le Donbass et en Ukraine Carte de l’Ukraine avec ses frontières politiques Dix jours plus tôt TransylvanieUne seconde, une seule petite seconde.Le temps de tomber la tête la première, le pied coincé dans un terrier. Une seconde pour que la vérité s’impose à Andriy Mykoulyne.Il n’en sortirait pas vivant.Le sentier par lequel l’Ukrainien s’enfuyait n’était qu’une mare de boue glissante. Sonné, il tarda à se dégager.Comment les Russes l’avaient-ils identifié ? Bon Dieu, il avait toujours été sur ses gardes, surveillant ses contacts, appliquant scrupuleusement les procédures de sécurité de la DGSE.Il se trouvait sur les hauteurs de la forêt entourant les ruines du château de Teleki, à une cinquantaine de kilomètres de Cluj-Napoca, dans cette région de Roumanie qui s’appelle la Transylvanie.Les trois hommes qui le pourchassaient ne se hâtaient pas.Leur meneur connaissait bien le coin, il savait que le chemin se terminait en cul-de-sac. Les deux autres tenaient de gros poignards dont la seule vue avait donné la chair de poule à Andriy Mykoulyne. Avec leur air vaguement goguenard, leurs barbes et leurs bonnets de laine descendus sur le front, il n’avait eu aucun mal à les identifier.Des Tchétchènes.Andriy Mykoulyne accéléra. Les pierres du sentier étaient tranchantes. Il dérapait avec sa chaussette mouillée, sentait déjà la peau de son pied droit se déchirer sous la morsure de la roche.Dans les fourrés alentour, il aperçut une trouée. Il s’y engouffra. C’était un ancien chemin, quasiment impraticable, dont la pente était plus prononcée encore que celle du premier sentier.Soudain, l’Ukrainien perdit sa seconde chaussure. La cheville tordue, il tomba, le souffle coupé par la douleur. Une nouvelle fois, il se releva et reprit sa course. À quelque chose d’impalpable, il sentait que ses poursuivants n’avaient pas encore aperçu cette sente cachée. Cela le galvanisa.Enfin, il arriva au sommet. Il n’y avait qu’un petit monument aux morts en pierre grise surmonté d’une croix noire. Les ruines du château étaient un peu plus loin, sur le promontoire. I LA QUÊTE I Paris — Heureusement, il est mort sur le coup, laissa tomber d’une voix désabusée le colonel de la DGSE, connu sous le pseudo de « Paul ». Il n’a pas souffert. Il n’avait peut-être pas souffert, mais le résultat restait assez horrible à regarder, constata Edgar Van Scana en repoussant la photo tirée d’une épaisse enveloppe. Celle d’un corps à demi réduit en bouillie. Un homme vêtu d’un costume pied-de-poule au crâne bordé d’une couronne de cheveux roux. Sa nuque formait un angle étrange, tandis qu’une tache de sang et de matière cervicale s’étalait sous sa tête aux os curieusement aplatis par le choc. — De qui s’agit-il ? — Andriy Mykoulyne, un de nos honorables correspondants. Un Ukrainien qui s’était expatrié en Roumanie, comme journaliste free-lance, depuis une quinzaine d’années. Fiable. Étant originaire du Donbass, il avait de bons contacts dans le camp des séparatistes et était au courant de pas mal de choses. D’ailleurs, ce jour-là, il avait rendez-vous avec son officier traitant. — Cela arrive souvent, que d’honorables correspondants se suppriment ? Paul secoua la tête. — Ce n’était pas un suicide. Foutrement pas ! Un silence s’installa. Edgar en profita pour avaler une gorgée tiédasse sans masquer une grimace. Les salles à manger VIP de la DGSE se voulaient impressionnantes, en revanche le thé qu’on y servait était imbuvable. Il avait reçu dans la nuit un message Signal codé comme suit : « 0630-77-1124-L8 ». Conformément au protocole de communication avec sa hiérarchie, Edgar devait ajouter quatre heures à tout horaire indiqué dans un message ; 06 h 30 signifiait donc 10 h 30 ; 77, une priorité absolue ; 1124, que l’émetteur du message était Paul, l’homme qui dirigeait le service des Archives, le groupe action le plus secret de la DGSE. Quant à L8, cela désignait le lieu du