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Reste

Author/Uploaded by Adeline Dieudonné

Contents Couverture Présentation De la même autrice Copyright Première lettre Deuxième lettre Bande-son Remerciements Achevé Points de repère Couverture De la même autrice La Vraie Vie, L’Iconoclaste, 2018 ; Le Livre de poche, 2020. Kérozène, L’Iconoclaste, 2021 ; Proche, 2022. Bonobo Moussaka, L’Iconoclaste, 2022 © L’Iconoclaste, Paris, 2023 Tous droits réservés pour tous pays. L’Iconoclaste, 2...

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Contents Couverture Présentation De la même autrice Copyright Première lettre Deuxième lettre Bande-son Remerciements Achevé Points de repère Couverture De la même autrice La Vraie Vie, L’Iconoclaste, 2018 ; Le Livre de poche, 2020. Kérozène, L’Iconoclaste, 2021 ; Proche, 2022. Bonobo Moussaka, L’Iconoclaste, 2022 © L’Iconoclaste, Paris, 2023 Tous droits réservés pour tous pays. L’Iconoclaste, 26, rue Jacob, 75006 Paris Tél. : 01 42 17 47 80 [email protected] www.editions-iconoclaste.fr À Pierre, mon père « Je ne t’ai jamais dit Mais nous sommes immortels Pourquoi es-tu parti Avant que je te l’apprenne ? » Dominique A. « Immortels » « S’il te plaît, c’est quoi cette bêtise, pourquoi n’es-tu pas là ? Qu’est-ce que c’est que cette connerie ? » Jana Černá, Pas dans le cul aujourd’hui Première lettre Mardi 5 avril 2022. M. est là, allongé près de moi. Il est mort. Il est mort. J’espère, en les écrivant, que ces mots m’aideront à appréhender cette réalité. Je les observe, les déchiffre tandis qu’ils se forment sous ma main, les écris encore, pour en saisir la chair. Ils m’échappent, me glissent hors des yeux, je recommence. J’aurais dû vous appeler hier déjà, pour vous prévenir. Je ne le ferai pas. Alors que j’écris ces lignes, vous ignorez la mort de M. Je vous envie pour ça. 9 h 32. J’ai regardé sa montre sur la table de nuit, là où il l’a laissée. Je vous imagine en réunion de chantier. Ou à votre bureau, à dessiner des plans. M. ne parle pas souvent de vous. Ne parlait. Ne parlait pas souvent de vous. Une forme de pudeur, je suppose. Il vous aimait, il n’y a pas à en douter. Peut-être que vous écrire, maintenant, me permet d’échapper à ici. Vous vous tenez droite, assise face à votre ordinateur, une tasse de thé tiède à portée de main – vous avez oublié de retirer le sachet, il doit être amer –, vous dessinez un garage, des lignes rouges jaunes vertes bleues sur l’écran noir. Vous êtes absorbée, projetée dans ce garage en devenir. Et vous pouvez y être absorbée, projetée, parce que quelque part, au fond de vous, sommeille la certitude que M. se promène à une poignée de kilomètres, que ses poumons se dilatent, se contractent, que son cœur palpite, que sa peau frémit. Je tends la main, la pose sur son torse froid, immobile. Je m’installe dans votre peau, dans votre tête, et je suis vous, pour quelques secondes, et pour quelques secondes mon problème le plus important consiste à décider s’il faut une porte déroulante ou abattante à ce garage, et de quel côté je vais placer le panneau de commande électrique. Ce faisant, je ne vous vole rien, puisque je ne vous prive pas de votre bureau, de votre thé amer, de votre innocence. Il faudrait que je me lève. Que je m’habille. M. semble endormi à mes côtés. Il est nu. Depuis hier matin déjà. Je crois que je suis en train de m’habituer. C’est son nouveau lui. Je l’ai secoué, j’ai pleuré, beaucoup, je me suis fâchée, l’ai giflé, je crois, je savais qu’il était mort, je ne suis pas folle, mais la colère m’a engloutie. Pourquoi n’arrivait-il pas à sortir de là ? Pourquoi se laissait-il aller comme ça ? Il me faut du vin. Le chalet n’est pas grand. Une chambre, une salle de bains, une cuisine sommaire qui ouvre sur un salon fatigué. Des truites naturalisées aux murs, des hameçons et des appâts dans des vitrines poussiéreuses. Un poêle à bois. Les murs exhalent un parfum de sel, froid, minéral. Je crois que nous aimions venir ici pour l’exiguïté du lieu. Poser nos brosses à dents côte à côte sur la petite vasque en pierre, écouter la même musique, nous frôler pour mettre le couvert, cuisiner. Ici il n’y a rien. Et puisqu’il n’y a rien, il y a tout, pardon pour ce poncif, mais la forêt, le lac, les oiseaux, les herbes sauvages, c’est tout. Quand je dis qu’il n’y a rien, je veux dire qu’il n’y a personne. Personne d’autre que M. et moi. J’ignore ce qu’il vous racontait pour justifier ses absences. Un séminaire, quelques jours entre copains, un stage de natation… Nous n’en parlions jamais. Il avait honte, sans doute, et moi aussi. Ici, on pouvait s’imaginer qu’on ne rentrerait jamais. Qu’on vieillirait comme ça, tous les deux. Un chien, quelques poules. Nous nous suffirions. Nous aimions ce mensonge. Et puis moi parfois j’y croyais. En réalité, c’était un mensonge par omission. Non parce qu’il omettait ma fille – Nina est grande – mais plutôt mon besoin de solitude. J’aimais l’incursion de M. dans mon espace durant ces quelques jours que nous volions de temps en temps. Mais est-ce que je l’aurais supportée toute l’année ? En fait oui, probablement oui. Nous étions assez vieux tous les deux, je veux dire lui et moi, pour savoir comment préserver notre espace de l’autre. Nous nous connaissions assez. Peut-être qu’il aurait suffi de me construire une cabane à côté du chalet, mon atelier, ma chambre à moi. Alors, qu’est-ce que ce mensonge cachait au juste ? Sans doute la terreur qui nous habitait tous les deux d’épuiser notre dialogue jusqu’ici intarissable. Dialogue des mots, bien sûr, dialogue des corps, dialogue affamé de ceux qui viennent de se rencontrer. La terreur du silence blasé, du désir sec. Et évidemment ce mensonge vous omettait vous. Et votre fils. Et le monde qui brûle. 12 h 43 à la montre de M., toujours posée sur la table de chevet. Je n’ose pas toucher à ses affaires. Je n’ose pas regarder son téléphone posé sur le buffet, à côté du poêle. J’aurais accès à sa vie. Son courrier, ses réseaux sociaux. Est-ce que tout ça va disparaître avec lui ? Est-ce que son adresse mail sera supprimée ? Ou continuera-t-elle d’exister, comme une maison abandonnée, hantée par les échanges professionnels, les newsletters non lues, les vieilles factures, vos disputes ? Je sais que vous

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