Author/Uploaded by Eva Björg Ægisdóttir
DU MÊME AUTEUR Elma Éditions de La Martinière, 2021 Points, 2022 Les filles qui mentent Éditions de La Martinière, 2022 Points, 2023 Titre original : Næturskuggarpublié par Veröld Publishing, Islande, 2020 Retrouvez Eva Björg Ægisdóttirsur Instagram @evabjorg88 et Twitter @evaaegisdottir © Eva Björg Ægisdóttir, 2020 ISBN : 979-1-0401-1423-9 © Pour la traduction française, Éditions de La Martiniè...
DU MÊME AUTEUR Elma Éditions de La Martinière, 2021 Points, 2022 Les filles qui mentent Éditions de La Martinière, 2022 Points, 2023 Titre original : Næturskuggarpublié par Veröld Publishing, Islande, 2020 Retrouvez Eva Björg Ægisdóttirsur Instagram @evabjorg88 et Twitter @evaaegisdottir © Eva Björg Ægisdóttir, 2020 ISBN : 979-1-0401-1423-9 © Pour la traduction française, Éditions de La Martinière, 2023Une marque de la société EDLM Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. TABLE DES MATIÈRES TitreDu même auteurCopyrightPremière partieLa nuit précédenteSamediDimancheLundiMardiMercrediJeudiVendrediSeconde partieFévrier 2019Février 2019SamediFévrier 2019Mars 2019Avril 2019LundiAvril 2019Mai 2019Mai 2019MardiJuillet 2019Août 2019MercrediAoût 2019Septembre 2019JeudiVendrediSeptembre 2019SamediDimancheSeptembre 2019LundiSeptembre 2019Septembre 2019Octobre 2019Communiqué de presse 03/11/2019Novembre 2019Septembre 2019Novembre 2019 PREMIÈRE PARTIE La nuit précédente Lorsque la pluie cesserait, l’odeur risquait d’alerter quelqu’un. C’est pour cette raison qu’il avait appelé et répété qu’il voulait impérativement déplacer le corps. Le savoir là, alors que son état de décomposition empirait à chaque heure, le rendait malade. Le simple fait d’y penser le remplissait d’une angoisse telle qu’il ne tenait plus en place. Mais c’était si difficile de se débarrasser d’un cadavre. Comment l’emporter jusqu’à sa voiture sans qu’on l’aperçoive ? Les nuits n’étaient pas encore assez sombres pour le protéger des éventuels regards. Et où aller ? Où l’enterrer ? Il ne voyageait pas beaucoup, ne connaissait pas les lieux les plus isolés, ne savait pas où la terre était assez friable ou profonde pour creuser un trou. Il ne voulait pas courir le danger qu’un fermier finisse par tomber dessus. Il avait songé à le jeter à la mer, mais la probabilité qu’on le retrouve échoué quelque part sur une plage était trop grande. Il ne connaissait pas assez bien les courants, ne savait même pas quand la marée était haute ou basse. La nuit précédente, il était venu inspecter l’état du cadavre. Ivre, il avait observé avec fascination la manière dont la peau avait changé de couleur, de texture. Après avoir retiré les couvertures et la bâche dans lesquelles il était enroulé, il l’avait caressé du bout des doigts. Voir un corps sans vie provoquait une étrange tension en lui. Un sentiment d’irréalité s’était déversé sur lui d’un coup et, pris d’un vertige, il avait senti un fourmillement intense parcourir ses bras et ses jambes. Il avait craint de s’évanouir et placé sa tête entre ses genoux. Puis il s’était remis, avait descendu le fond de vodka restant dans sa flasque et contemplé le visage du cadavre. Ouvert sa bouche, observé sa langue, ses dents. Tiré précautionneusement sur les paupières. Un voile blanchâtre recouvrait son regard figé et terne. À cet instant, la mort était devenue un peu trop réelle, et il avait reculé d’un bond. Une fois dehors, il avait cru qu’il allait vomir, mais en fait il était tombé à genoux et avait pleuré. Désormais, il ne cessait de les revoir, ces yeux aveugles qui le fixaient, complètement éteints. Samedi L’église en bois d’Akranes était bondée, sur les vitres la buée avait commencé à apparaître. Elma éventait discrètement son visage avec le livre de messe. Malgré la foule, on n’entendait que le craquement des bancs en bois fin, ainsi qu’un hoquet ou une toux de temps en temps. Hördur était assis au premier rang avec sa famille. Depuis sa place, elle ne distinguait que ses cheveux parsemés de gris et son col de chemise parfaitement lisse. Le dos droit, il regardait devant lui. Il ne tourna pas la tête lorsque la porte s’ouvrit pour accueillir de nouvelles personnes, ni même lorsque sa fille s’appuya contre son épaule. Rien ne semblait le faire vaciller ; peut-être craignait-il que le moindre mouvement déchaîne un torrent de larmes. Elma détourna les yeux pour contempler la photographie de Gígja qui illustrait le livret. Assez récente, elle avait toutefois été prise avant que le cancer ne laisse sur elle une marque visible. Gígja avait décliné si rapidement après son diagnostic. En quelques mois, cette femme de nature énergique avait perdu toutes ses forces. Elle avait énormément maigri, puis fini alitée, avec de puissants antidouleurs pour tenir. Elma l’avait vue pour la dernière fois un mois avant son décès. Avec quelques collègues, ils étaient allés lui rendre visite, les bras chargés de pâtisseries et de fleurs. Hördur avait lui aussi perdu tant de poids que ses pantalons pochaient sur ses cuisses et qu’il nageait dans ses chemises. Cela faisait maintenant une semaine que sa femme était morte, et il n’était pas revenu au travail depuis. Elma réprima un sanglot, clignant des paupières et ravalant la boule qui s’était formée dans sa gorge. Sævar lui adressa un faible sourire lorsque l’organiste entama un morceau. Les notes résonnèrent dans toute l’église, et le chœur commença à chanter. On aurait dit des voix d’un autre monde. Hördur baissa enfin la tête, et ses épaules se mirent à trembler. Le vaisselier qui meublait le salon était un héritage de ses parents, et Laufey n’était jamais parvenue à se débarrasser de l’odeur qui imprégnait les objets à l’intérieur : le service à café qu’ils lui avaient également transmis, le plat en porcelaine de chez Royal Copenhagen, et ces beaux verres en cristal qu’on leur avait offerts, à elle et à Unnar, pour leur mariage. Chaque fois qu’ils décidaient d’utiliser la vaisselle rangée dedans, elle devait la laver de nouveau. Tout était presque prêt. Les pommes de terre attendaient sur le plan de travail, recouvertes d’aluminium, la viande joliment dorée pourrait bientôt sortir du four, et le dessert, une grande tarte meringuée fourrée de billes de réglisse et de fraises, était au réfrigérateur. Unnar entra dans la cuisine, vêtu d’une chemise cintrée et rasé de frais. Il s’était octroyé le luxe de prendre une douche et de choisir avec soin ses vêtements, contrairement à elle qui avait tout juste eu le temps d’enfiler la même robe que d’habitude une petite demi-heure plus tôt. – Tu veux du champagne ? lui proposa-t-il en soulevant la bouteille. – Non merci. Laufey dénoua son tablier, s’efforçant de garder son calme. Elle ne voulait pas entamer une dispute alors