Author/Uploaded by Ketty Steward
Mentions légales confessions d’une séancière ketty steward Illustration : KÉVIN DENEUFCHÂTEL ISBN : 978-2-38267-056-9 eISBN : 978-2-38267-054-5 MNEMOS.COM/LABEL-MU DIRECTION ÉDITORIALE : Davy Athuil et Frédéric Weil MU, LABEL DES ÉDITIONS MNÉMOS © Éditions Mnémos, dépôt légal mai 2023 Page de titre CONFESSIONS D’UNE SÉANCIÈRE KETTY STEWARD Dédicace À la Sorcière Noire qui a oublié comment aimer E...
Mentions légales confessions d’une séancière ketty steward Illustration : KÉVIN DENEUFCHÂTEL ISBN : 978-2-38267-056-9 eISBN : 978-2-38267-054-5 MNEMOS.COM/LABEL-MU DIRECTION ÉDITORIALE : Davy Athuil et Frédéric Weil MU, LABEL DES ÉDITIONS MNÉMOS © Éditions Mnémos, dépôt légal mai 2023 Page de titre CONFESSIONS D’UNE SÉANCIÈRE KETTY STEWARD Dédicace À la Sorcière Noire qui a oublié comment aimer Exergue « La demeure de Papa Dlo fut nommée l’amerqui devint ensuite la mer. » La Séancière Le Rappel Dansez, fourmis, dansez ! Sur le sol desséché. Courez, fourmis, courez ! Sous les herbes cachées ; Creusez, fourmis, creusez ! Dans les trous des rochers. Allez dire au damné que je viens le chercher Que rien n’est oublié, que juré, c’est craché. La Remplaçante « Bon Dieu, Seigneur ! Venez voir ! Jésus Marie Joseph ! » Je reconnais la voix de ma voisine Daniella. Elle a toujours été exubérante ! La porte claque sans se fermer. Elle est allée chercher des gens. J’aurais ouvert les yeux, s’ils ne l’étaient pas déjà, à jamais écarquillés de stupeur. D’une poussée de talon, je m’extirpe du corps où j’ai si longtemps été enfermée. D’un regard, j’évalue l’état de ma carcasse. Le visage est épargné, c’est déjà ça. Le ventre et la poitrine, en revanche, ne sont pas beaux à voir. Le souvenir de la douleur me revient aussitôt. La lame qui m’a traversée un peu trop facilement ; ma surprise, mes mains sur mon ventre, le sang sur mes doigts, sur ma robe, sur mes pieds, ma chute sur le carrelage, la sensation de froid qui m’a envahie progressivement et l’envie de dormir. Après ça, je suis morte. La totale, avec le tunnel louche, la lumière au bout et la voix qui appelait mon nom ! J’avançais, sans pouvoir résister, et j’ai franchi une porte arc-en-ciel. Derrière, c’était un espace sans plancher d’où je suis retombée dans ma cuisine. Ensuite, le vide. C’est arrivé cette nuit. Ce qui s’est passé juste avant, je l’ignore. Impossible de m’en souvenir. Le soleil se lève à peine. Moi, je ne me lèverai plus. Ce n’est pas plus mal. Je n’aurai plus à soulever mon poids qu’une légèreté cotonneuse a remplacé désormais. Je ne serai plus la grosse dame que j’étais avant que tout s’arrête. Une matrone à gros seins et gros derrière, bien debout sur ses jambes. Je ricane en pensant à ceux qui porteront mon cercueil. Ils me maudiront intérieurement, mais feront semblant de rien. On ne rit pas avec ces choses-là. On ne plaisante pas avec les morts ! Ils ne rient pas non plus, ceux qui entrent à l’instant chez moi. Daniella est avec son mari Gaspard. Celui-là a toujours voulu voir ce qu’il y avait sous mes vêtements. Bizarrement, je l’intéresse beaucoup moins ainsi répandue sur le sol. Ils entrent. À leur suite, Antoinise de la maison du bout de la rue s’arrête net quand elle m’aperçoit. Son visage entier s’écarquille et son front recule devant le spectacle. Elle garde la bouche ouverte. Je rirais de sa tête si je pouvais. Daniella a ses faux cheveux dérangés, à moitié arrachés. Décidément, elle en fait, du cirque ! Elle ne perd pas le nord pour autant et, tout en expliquant qu’elle a prévenu les gendarmes, elle ouvre la boîte dans laquelle je mets l’argent pour les courses, en ayant soin d’utiliser un torchon pour ne pas laisser d’empreintes. Elle prend tous les billets et laisse les pièces. Je la vois ensuite lorgner sur mon collier-chou, puis renoncer. Trop risqué ! Il est trempé de sang. Les gendarmes tardant à arriver, les trois commencent à discuter, tandis que je flotte entre le plafond et le corps auquel je suis reliée par un cordon brillant. Antoinise qui a retrouvé l’usage de la parole suggère : « C’est sûrement de la jalousie ! Les gens sont tellement méchants. » Daniella secoue la tête et tord la bouche. « Les gens jaloux ont recours à la sorcellerie. Et puis, jaloux de quoi ? Monique est une belle chabine, mais elle n’est pas si riche. Je veux dire, elle n’était pas si riche. » Là-dessus, elle pleure à chaudes larmes. Je me demande si son chagrin dit sa tristesse de me perdre ou s’il ne traduit que sa propre peur de disparaître à son tour. Gaspard, pensif, examine la pièce et déclare : « Apparemment, ce n’est pas quelqu’un qui est venu pour lui voler ses affaires. Tout est en ordre. Il est entré, l’a cherchée et l’a frappée avec son couteau. — Pourquoi il ? Ça peut être une femme ! — Hein ? » Gaspard n’aime pas beaucoup être interrompu par sa compagne. Elle a toujours une remarque à ajouter quand il lui donne une explication. Elle insiste : « Il n’y a rien qui indique que ce soit un homme. Il suffit d’avoir des bras pour se servir d’un couteau. Et puis on passe notre temps à découper de la viande pour vous nourrir ! — C’est toi qui l’as tuée, alors ? — Ne dis pas n’importe quoi ! J’ai passé la nuit avec toi, idiot ! » Antoinise tousse pour se rappeler à l’attention des époux. « Hum ! C’est sûrement quelqu’un qu’elle aura fâché. Vu son caractère, ça peut être n’importe qui ! » Gaspard la considère d’un air suspicieux. Elle se défend aussitôt : « Je suis restée chez moi, avec ma mère. Vous pouvez lui demander ! Ne me regardez pas comme ça ! » Je me dis que si l’un de ceux-là m’avait assassinée, je m’en serais souvenue. Je suis morte, c’est embêtant, mais je ne suis pas en colère. Juste curieuse. Je cherche qui j’ai pu agacer au point qu’il veuille se débarrasser de moi et je ne trouve pas. Il faut dire que ma vie n’a pas été extraordinaire. Jamais mariée, j’ai servi de maîtresse à quelques hommes en mal d’affection, avant d’être jugée trop vieille pour cet usage. Puis, j’ai élevé deux des trois enfants de ma sœur, souvent
Author: Christopher Ruocchio
Year: 2023
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