Bad Swimmers - 02 - Les Charbons Ardents

Bad Swimmers2. Les Charbons ArdentsGeoffrey Bidaut Copyright © 2023 Geoffrey BidautLoi n° 49 956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse : mai 2023. 1Alvin avait soufflé sur l’allumette. Tandis que la bougie répandait une intense odeur de baies qui excitait ses sens, il avait posé les yeux sur Zoé. Dans sa nuisette rouge sang, sa petite amie était diablement sexy.Comme tous les soirs depuis quelques semaines, elle avait attendu que les autres pensionnaires soient endormis pour traverser le couloir et le rejoindre dans sa chambre. Un feu de cheminée crépitait doucement à leurs pieds, près du petit guéridon sur lequel trônaient encore les vestiges de leur dernier repas : champagne – que Zoé était parvenue à dérober au gérant de la pension – et fraises enrobées de chantilly.Elle avait détaché ses longs cheveux noirs, souples et bouclés sur ses épaules, esquissé un sourire coquin et, délicatement, s’était approchée de lui pour se blottir contre son torse nu. Il avait goûté avec plaisir à ses lèvres sucrées, chatouillant sa langue joueuse avec la sienne.— Les gars, il va falloir que vous arrêtiez deux secondes de vous titiller la glotte. Déjà, parce que je suis à deux doigts de gerber, et ensuite, parce que j’ai un truc super important à vous dire.— Tu pourrais frapper, Dylan, l’avait sermonnée Zoé, on était sur le point de…— … de vous faire une petite révision de La Sexualité pour les Nuls ? s’était moqué Dylan en éteignant le poste de radio qui diffusait une chanson de Robbie Williams. Désolée de gâcher ce moment d’activité hautement éducatif mais, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, des choses graves se passent ici.Insistant sur cette dernière phrase, leur future ex-amie rousse était venue se poster devant eux en les fixant de ses yeux verts.— Je l’ai encore vue rôder dans les couloirs, avait-elle murmuré comme si elle passait un casting pour la suite du Sixième Sens. Ça devient quand même vaguement flippant, cette affaire, non ?Alvin avait soupiré d’agacement, faisant voler ses mèches blondes au-dessus de ses yeux. L’étude de la quarante-septième position du Kama Sutra avec Zoé allait devoir attendre. Il s’était laissé rouler sur le bord du lit et avait enfilé son débardeur blanc. Sa soirée était de toute façon complètement foutue.— Dylan Mangus, je te déclare officiellement tueuse officielle de libido. Merci.— Si vous voulez tout savoir, j’ai même une preuve, avait annoncé cette dernière en ignorant sa remarque.Elle leur avait tendu son téléphone portable et, triomphalement, avait ajouté :— Je l’ai filmée.— Je ne sais pas comment te faire comprendre qu’on s’en tape. Sans risquer de finir en taule pour coups et blessures, je veux dire.— Tais-toi et regarde ça.— T’es consciente que c’est physiquement impossible ?— C’est ce qu’on disait à Galilée.— Ah ben oui, parce que vous êtes clairement dans la même situation. Rappelle-moi de demander à Poitier de mettre un verrou sur cette porte, avait-il susurré à Zoé.Dylan s’était assise entre eux sur le lit, les invitant à observer l’écran de son tout nouveau Nokia. À l’image, ils pouvaient apercevoir l’un des longs couloirs de la pension aux tapisseries anciennes, aux tableaux de chasse et aux têtes d’animaux empaillés. Éclairé par la lumière des vieux chandeliers accrochés au mur, il aurait pu servir de décor à un mauvais remake de film sur les maisons hantées.Sauf qu’Alvin aurait volontiers échangé Dylan contre cette bombasse de Catherine Zeta-Jones.— On est censés voir quoi, là ?— Regardez mieux, avait-elle insisté en relançant la vidéo. Juste après le tapis bordeaux, vous voyez ? On aperçoit le bout d’une nuisette grise à l’angle, près de la chambre de Blaise et Norman. Sa nuisette. Elle m’a sans doute vue et s’est enfuie en direction du grenier.— Ça pourrait très bien être Ely. Ou même Kim.— Ely ne porte pas de nuisette. Et Kim est encore dans notre chambre.— Elle au moins, elle peut dormir en paix.Dylan les avait observés avec gravité et avait fait claquer sa langue :— Appelez ça un esprit, un spectre ou ce que vous voulez, mais j’en suis certaine : il y a le fantôme d’une nana morte dans la pension.Alvin avait échangé un regard avec Zoé, avant de se tourner vers elle :— Je crois que t’es gravement atteinte, en fait. Si tu en es si sûre, pourquoi tu ne vas pas vérifier si elle ne s’est pas réfugiée dans le grenier ? Après tout, si j’étais un fantôme, c’est là que j’irais.— Très drôle. Je préfère me noyer dans ma morve plutôt que d’aller seule au grenier. Il y a plein de passages secrets bizarres là-dedans. Je vais finir dans un putain de souterrain et personne ne va venir me récupérer.— Ça serait dommage, effectivement.Zoé avait ri.— Demande à Kim de t’accompagner. C’est pas son truc, ça, le paranormal ?— Elle m’a répondu que s’il y avait un fantôme, elle l’aurait senti. Et n’a rien vu dans ses cartes. J’ai l’impression que personne ne veut me croire, mais je vous assure, il se passe des trucs vraiment étranges ici !— Avoue que c’est difficile à imaginer, avait réagi Zoé. Tu nous bassines depuis des jours parce que tu penses que le fantôme d’une fille en nuisette se balade dans la pension. Et il y a trois semaines, tu croyais avoir trouvé une clé secrète qui, après vérification, n’ouvre absolument rien.Dylan avait écarquillé les yeux, comme outrée.— Elle ouvre forcément quelque chose ! Seulement, je ne sais pas encore quoi, c’est tout.Elle avait soupiré, puis s’était adossée au mur, manifestement au bout du rouleau. Un rouleau qui devait bien mesurer six mille kilomètres de long.— Bordel, je donnerais tout pour avoir un orgasme, là, tout de suite.— Hein ?— Un Orgasme. Menthe, tequila, crème de whisky. C’est un cocktail, sale pervers.Alvin avait hoché la tête. Parmi toutes les éventuelles pensionnaires de l’atelier d’écriture dans lequel ils étudiaient depuis plus d’un mois, pourquoi avait-il fallu que leur camarade soit une nana complètement cinglée ?Comme si elle avait