Author/Uploaded by Benoît Marie Lecoin
COLLECTION FICTION DU MÊME AUTEUR Ringo, Le murmure, 2016. Wonderland Babe, AFITT, 2023. LECOIN, Benoît Marie. Ikiro © EDLM, 2023. ISBN : 9782373057232 Couverture : Elena Vieillardwww.elenavieillard.fr Les Éditions Aux forges de Vulcain1 rue de la Montagne77600 Bussy-Saint-Martinwww.auxforgesdevulcain.fr Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. À ma tendre tulipe, TABLE DES MATIÈRES T...
COLLECTION FICTION DU MÊME AUTEUR Ringo, Le murmure, 2016. Wonderland Babe, AFITT, 2023. LECOIN, Benoît Marie. Ikiro © EDLM, 2023. ISBN : 9782373057232 Couverture : Elena Vieillardwww.elenavieillard.fr Les Éditions Aux forges de Vulcain1 rue de la Montagne77600 Bussy-Saint-Martinwww.auxforgesdevulcain.fr Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. À ma tendre tulipe, TABLE DES MATIÈRES TitreDu même auteurCopyrightDédicaceHanamiSoboLes fraisesDe Fukuchiyama à KyotoShinkansenNashiL'arrivée à TokyoChez les MatsuuraNuitMatinShibuya crossingYukisadaHachikoLe quartier des MatsuuraPérouChambre d'IkiroLa lectureMinuitPachinkoUniversité des arts de TokyoLes clubsBains publics du quartier d'OtsukaSommeilLes jours suivantsDurbanSapporoIzakayaKappa et HachikoLa montreFlore et fauneBlossom et sa maîtresseProfesseurTamagoDe retourComme si de rien n'étaitLes lapins d'OkonushimaQuai des brumesPhotographieLa danseuse d'IzuSommeilTamago et IkiroVortexDarvasaShibuya-gawaSamedi1960GuimauveParis 1910Dans la capitaleEmpire State Building, 28 juillet 1945ChuteLouvreNoirÉpilogue C’est un roman graphique. Étrange ? Il n’y a pas de graphisme, pas de dessins, pas de bulles… Les traits seront ici : les mots, les phrases, les lettres… Les couleurs seront les adjectifs, la syntaxe, la forme, l’article : c’est un flow. Sous peu, je vais me retrouver submergé, le barrage en aval va être mis en eaux. Se déverseront en moi des millions de litres d’eau. Noyé je ne pourrai rien faire sinon me laisser arracher à la terre sans pouvoir me dérober. Seulement sentir naître la peur lorsque le mur d’eau, de limon, ce chaos d’arbres et de pierres se précipitera contre mon corps. De moi ? Il ne restera rien. Englouti en moi-même, sans aucun repli ; sous la surface. Les mots seront les gouttes qui s’ordonnancent en ce grand tout liquide, qui souffle mon édifice mental. Nécessité suprême, l’écriture va se transmuer en histoire et tout se résumera en pensée. « Ikiro, ils sont au courant Ikiro? – Pas encore Midori. – Et quand le sauront-ils ? – Maintenant Midori, tout commence à présent… » Hanami La nuit étend ses cheveux de jais sur le château de Fukuchiyama et son parc, les nuages couvrent le ciel jusqu’à l’horizon. La machinerie de la nature aura fait pousser les sakura comme par le passé, comme aujourd’hui. Aux informations régionales, pas un jour sans que des botanistes ne soient invités sur les plateaux de télévision. À ces experts on pose toujours la même question : quand pourra-t-on fêter les cerisiers ? Aidés de nombreux diagrammes et parés de la sagesse des ancêtres, les experts donnent leur avis : le temps viendra lorsque cinq bourgeons seront en floraison sur les arbres témoins. Les plus courageux, les plus jeunes souvent, sont là ce soir, ils ont étendu de vastes bâches en plastique bleu océan. Ils veillent assis sur elles, comme exilés au centre d’un lac frémissant, lorsque le vent se lève et les pousse à déposer à la hâte, aux quatre coins de leurs nappes de vinyle, des pierres pour éviter qu’elles ne s’envolent. D’autres ont marqué l’emplacement qu’ils ont réservé par de simples cartons. Cette inviolable réservation sera respectée jusqu’à ce qu’ils reviennent. Ikiro boit, la nuit sera longue, ses amis le retrouveront le lendemain pour fêter le renouveau. Chaudement vêtu, il observe alentour. Fujitaka, Benjiro et Akira lui ont demandé de veiller sur l’endroit qu’ils préfèrent. La bâche est étendue sous un arbre vénérable. L’année dernière ils n’avaient pas pris leurs dispositions, arrivés trop tard ; toutes les meilleures places étaient prises, ils avaient dû se retrancher en bordure d’allée. Ikiro, boit lentement, entrecoupe ses gorgées de Kirin, d’une barre chocolatée aromatisée à la pêche blanche. Aux premières heures de sa garde, il lisait, sans se soucier des autres guetteurs. L’heure avançant, un jeune homme vint le rejoindre, il se présenta avec déférence, le saluant, lui demandant s’il pourrait partager un verre avec lui. « J’ai de l’alcool de riz… » Ikiro n’aime pas le nihonshu. Par amabilité il accepta néanmoins la proposition de cet inconnu. Il aurait sans doute aimé jouir de la solitude que revêtait son attente et qui l’apaisait son regard balayant l’obscurité, considérant la beauté qu’offrait cette nuit d’avril. Très civilement ils entamèrent la discussion. Le jeune homme resta peut-être une heure ; Ikiro est mal à l’aise pour s’entretenir avec un étranger, et ce soir, il préférait le silence aux palabres. Sans doute, le jeune homme s’en rendit compte, lorsqu’après quelques verres d’alcool qu’Ikiro déglutit avec peine il se mit à le saluer encore une fois avec plus de politesse que lorsqu’il l’accosta et prit congé. La nuit est magnifique, dans la fraicheur de l’air les nuages semblent un peu moins hauts, il aurait presque pu les frôler. Enfant, il imaginait qu’ils étaient faits du coton le plus doux et vaporeux qui soit. Ikiro contemple les étoiles, elles revêtent le ciel d’une antique majesté. Il pense qu’un jour lointain, d’autres que lui se sont allongés en ce lieu pour les observer. « L’espace prête à rêver », songe-t-il, alors qu’il se couche de tout son long sur la bâche bleue, étendant ses bras et ses jambes, offrant son corps aux ténèbres. Le jeune homme avait repris sa place, d’autres adolescents s’installaient plus loin. On apercevait les faisceaux des lampes qui s’agitaient à la manière d’abeilles folles tandis qu’ils déballaient le contenu de leur sac à la recherche de boissons qui les aideraient à tenir jusqu’à ce qu’ils soient réunis en famille, entre amis… D’autres arrivèrent un peu plus tard ; à minuit le nombre des festivaliers grossit. Les groupes, installés près d’Ikiro, étaient assez silencieux. Il régnait une atmosphère détendue, sans que les paroles ou les rires ne soient une gêne, ou n’entravent sa lecture. Ikiro lisait avec passion le manga qu’il avait délaissé lorsqu’il avait été interrompu. Absorbé, c’est comme si lui aussi se trouvait dans la cordée du Sommet des Dieux, rivalisant de courage et de témérité. Posant ses pas dans les empreintes qui l’emporteraient jusqu’à la cime de l’Everest. Une brise traversa le parc, il se sentit atteint intimement, réalité et fiction s’unirent un instant, le vent, une bourrasque violente, s’échappant du cadre du récit. Lui, fantasmant sa progression et gravissant avec difficulté l’âpre versant de l’Himalaya. « Et les cerisiers ? Reviens aux cerisiers, Ikiro. – Tu le