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Les autres ne sont pas des gens comme nous

Author/Uploaded by J.M. Erre

J.M. ERRE LES AUTRES NE SONT PASDES GENS COMME NOUS Julie, jeune femme tétraplégique, n’est pas vraiment comme les autres. Installée dans son fauteuil, elle observe le monde qui bouge autour d’elle et commente notre époque avec un humour acide. Adepte de la plume, elle brosse des caractères et des histoires. Anissa, Félix, Pétronille, Barnabé et tous les autres, purs produits de son imagination,...

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J.M. ERRE LES AUTRES NE SONT PASDES GENS COMME NOUS Julie, jeune femme tétraplégique, n’est pas vraiment comme les autres. Installée dans son fauteuil, elle observe le monde qui bouge autour d’elle et commente notre époque avec un humour acide. Adepte de la plume, elle brosse des caractères et des histoires. Anissa, Félix, Pétronille, Barnabé et tous les autres, purs produits de son imagination, sont drôles, surprenants, méchants ou attachants, sensibles ou inquiétants, donc pleins d’humanité… Les autres ne sont pas des gens comme nous, comme tous les romans de J.M. Erre, joue librement avec les mots et la littérature. Les publications numériques de Buchet/Chastel sont pourvues d’un dispositif de protection par filigrane. Ce procédé permet une lecture sur les différents supports disponibles et ne limite pas son utilisation, qui demeure strictement réservée à un usage privé. Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur, nous vous prions par conséquent de ne pas la diffuser, notamment à travers le web ou les réseaux d’échange et de partage de fichiers. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivant du Code de la propriété intellectuelle. ISBN : 978-2-283-03654-9 À Pascale, Christine et Claire qui ne sont pas des gens comme les autres. 1 Julie Normalité ou monstruosité ? Je m’appelle Julie, j’ai vingt-cinq ans et j’habite un village de Lozère nommé Margoujols. On dit de moi que j’ai l’esprit vif, beaucoup de curiosité et un humour noir parfois féroce. Je suis une lectrice passionnée et je pratique l’écriture en amatrice. J’aime la danse classique, le patinage artistique et le punk rock celtique hardcore. Je suis accro aux réseaux sociaux, féministe, écolo, libre et révoltée, mais il m’arrive aussi de rêver au grand amour de conte de fée, et même de m’imaginer avec une flopée de mouflets. Je suis normale, quoi. Ajoutons à présent un détail à mon portrait. Mon petit truc en plus qui me donne toute ma personnalité : je suis tétraplégique de naissance. Suite à un accouchement difficile, j’ai hérité d’un corps à euphémismes : différent, singulier, en situation de handicap, en position de non-réalisation des habitudes de vie d’une personne. Le truc sympa, quoi (oui, j’ai aussi hérité d’un cerveau à antiphrases). Je suis prisonnière d’une carcasse inerte, avec le regard torve, la bouche ouverte et la bave abondante comme équipements de série. Je ne vivrai jamais le grand amour, je n’aurai jamais d’enfant et ce n’est pas demain la veille qu’on me verra m’agiter en tutu sur une scène. Je suis clouée à vie dans un fauteuil high-tech connecté à un ordinateur que je suis capable de manier grâce à l’unique morceau de ce corps inutile que je parviens à bouger : mon majeur de la main droite, dressé en permanence vers le ciel comme pour lui adresser un message (mais lequel ? Mystère). Là, on est d’accord, la normalité vient d’en prendre un coup. Je dirai même, d’après certains regards croisés dans la rue, que d’aucuns me rattachent plus communément au domaine de la monstruosité. C’est en tout cas mon impression, mais je suis peut-être paranoïaque, en plus du reste (c’est mon côté gourmande). Si vous avez reçu un semblant d’éducation à la compassion, et si j’ai su réveiller en vous la sourde angoisse de vous retrouver un jour dans ma position, je dois avoir capté votre attention. C’est l’avantage de mon handicap pour l’activité d’écriture que j’ai l’ambition de mener : la captatio benevolentiae est facilitée. Pour une fois que ma condition de monstre de foire me sert à quelque chose, j’en profite. Vous allez me lire avec bienveillance, j’en suis sûre. Avant de commencer, je dois signaler qu’un problème s’est posé à moi quand je me suis mise à écrire. Un problème auquel même les plus grands sont confrontés aujourd’hui. J’explique. Vous souvenez-vous du texte que la jeune poétesse noire américaine Amanda Gorman a lu lors de l’investiture de Joe Biden, et qui a été l’objet d’une polémique internationale lorsqu’il s’est agi de le traduire ? La question n’a pas été « qui a le talent nécessaire pour le faire ? », mais « qui a le droit de le faire ? ». Aux Pays-Bas, Marieke Lucas Rijneveld, jeune écrivain non-binaire un temps choisi, s’est retiré après des reproches liés à la couleur de sa peau. L’auteur cochait toutes les cases sauf la case noire. Même problème au cinéma : le remake américain du film Intouchables a provoqué un tollé aux États-Unis parce que l’acteur qui jouait le personnage handicapé était un homme valide. Toujours à Hollywood, Scarlett Johansson, qui devait incarner une personne trans à l’écran, a dû renoncer à ce rôle après de vives critiques sur sa légitimité en tant que cisgenre. Dans le même registre, l’autrice Jeanine Cummins a dû annuler la tournée de promotion de son roman American Dirt, racontant la fuite d’une mère mexicaine et de son fils vers la Californie, à cause d’une violente polémique sur l’appropriation culturelle lui déniant le droit de se faire la porte-parole des clandestins sans appartenir elle-même à ce groupe. Que dire de tout cela, sinon que l’ambiance du moment facilite la tâche d’une personne comme moi qui caresse le rêve de devenir écrivaine. Si l’on ne peut donner la parole qu’à des personnages qui correspondent à notre identité, le problème de l’inspiration s’en trouve fortement facilité. Je sais d’avance que tous les protagonistes de mes futurs récits seront des jeunes femmes lozériennes tétraplégiques paellaphiles et artichautphobes. C’est pratique. Ce qui m’embête un peu, c’est que j’envisageais naïvement la littérature comme un bon moyen de sortir de mon corps, de m’oublier un moment, de vivre d’autres vies que la mienne. Si je ne peux mettre en scène que des personnes qui me ressemblent, on va avoir droit à un festival de cabossées de la vie, pas sûr que ça soit très fun… Alors tant pis, je prends le risque. Je vais commencer

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