Author/Uploaded by Bénédicte des Mazery
Couverture : Image © Peter Chadwick/Arcangel© Éditions Plon, un département de Place des Éditeurs, 202392, avenue de France 75013 Paris Tél. : 01 44 16 09 00 Fax : 01 44 16 09 01 www.plon.fr www.lisez.comISBN : 978-2-259-31568-5« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou...
Couverture : Image © Peter Chadwick/Arcangel© Éditions Plon, un département de Place des Éditeurs, 202392, avenue de France 75013 Paris Tél. : 01 44 16 09 00 Fax : 01 44 16 09 01 www.plon.fr www.lisez.comISBN : 978-2-259-31568-5« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »Ce document numérique a été réalisé par PCA À Thierry, qui sait les fantômes Que sait la matière que nous ne savons pas encore, que nous échouons à porter jusqu’au langage ?Camille de ToledoNotre héritage n’est précédé d’aucun testament.René Char SommaireCouvertureTitreCopyrightI - IN UTEROII - EX UTEROIII - ANIMUS / ANIMAIV - DUOSRemerciements — Aidez-moi… S’il vous plaît !Elle tient l’enfant serré contre elle, enveloppé dans le drap blanc. Elle s’est décidée après l’avoir vu si pâle, si maigre au fond de son berceau, espérant un geste, un cri, un mouvement de lèvres. Tout, sauf ces paupières scellées sur des yeux absents. Tout, sauf ce visage figé.— Je vous en prie !Elle court dans les couloirs de l’hôpital.— Aidez-moi !Elle serre l’enfant plus fort encore, son petit visage aux joues veloutées vient glisser dans le creux de sa nuque, et l’amour la submerge si violemment qu’elle en a les larmes aux yeux.— Les urgences !Où sont les urgences ? Il va mourir, il est mort. Elle croise un médecin pressé, en retard, terminant à la hâte de boutonner sa blouse blanche.— S’il vous plaît…Il fait demi-tour, la rejoint, elle dégage le drap. Il lui retire l’enfant des bras, le regard brusquement aiguisé.Ses mains, délivrées, qui ne tiennent plus rien. Et cette pensée, soudain, pour Romain qui trouvera la maison vide en rentrant. I IN UTERO Deux mois plus tôt Dimanche, 11 heures— Tu vas courir dans cette tenue ?Élise referme le tiroir devant elle dans un fracas de couverts.— Mais il est où, ce hachoir de m… !Elle a beau chercher partout, impossible de mettre la main dessus. La cuisine est comme éventrée, portes de placards grandes ouvertes, tiroirs tirés, tout ce brusque déballage des objets habituellement rangés. Romain referme le réfrigérateur, faisant cesser le bip régulier de la porte restée entrebâillée trop longtemps. Il ne dit rien, s’écarte pour la laisser passer dans sa nuisette en dentelle.— À ton avis ?Évidemment qu’elle ne va pas courir dans cette tenue !— Donc, ça veut dire que j’y vais seul ?Bien sûr, qu’il va y aller seul. Pour évacuer le stress de la semaine, pour compenser ses déjeuners d’affaires trop riches de directeur d’un cabinet d’assurance. Et pour s’entraîner en vue de l’épreuve sportive à laquelle ils se sont inscrits cette année.— La date fatidique approche, dit-il. Plus qu’un mois.Elle s’arrête, se retourne et lui fait face.— Fiche-moi la paix, avec ton marathon !Son agressivité est injuste, ce n’est pas « son » marathon, c’est elle qui a voulu qu’il s’inscrive aussi et, devant son insistance, il a fini par accepter en soupesant d’un air dubitatif son ventre légèrement rebondi. La vérité, c’est qu’elle s’en fiche, de cette course, ce n’est pas la question du jour. Elle sent ses joues s’empourprer, se cribler de ces points blancs, laiteux, qui l’enlaidissent. Elle a essayé de les masquer, en vain, rien ne leur résiste. Depuis son adolescence, à la moindre émotion forte, son visage se grêle.— Je n’ai pas le temps, Mina vient plus tôt que prévu, ajoute-t-elle.— C’est pour elle que tu cherches le hachoir ? répond-il avec un sourire ironique.— Très drôle…— Pourquoi ta mère vient plus tôt ?— Elle n’a pas le moral, je lui ai proposé de m’aider à préparer le gigot.— Élise, s’agace Romain, est-ce qu’un dimanche, un seul dimanche on pourrait rester rien que nous deux ?— Oui, bien sûr. Mais vas-y, maintenant, va courir !Il hausse les épaules.— Un dimanche, ce n’est pas trop demander, je crois…Il a raison, Élise ne peut rien rétorquer. Depuis la mort de Paul, sa mère s’accroche encore plus fortement à elle, en admettant que ce soit possible. Mina lui téléphone tous les jours, parfois deux fois, en la couvrant de « toi, ma fille unique », « toi, mon enfant chérie », insistant sur le fait qu’elle n’a plus qu’Élise désormais puisque l’amour de sa vie est parti. Et tous les dimanches, depuis sept mois, elle vient déjeuner chez eux. Mina l’envahissante, Élise est habituée, ça a toujours été comme ça depuis son enfance. Et il y a encore quelques mois, Romain et elle pouvaient s’allier de temps en temps contre Paul et Mina, c’était équilibré, eux deux contre ses deux parents, mais, maintenant que sa mère est seule, seule avec son incommensurable chagrin…Elle finit par vraiment s’énerver de voir toujours Romain se dandiner d’une jambe sur l’autre devant elle.— Va, j’te dis ! Tu n’auras qu’à courir pour deux. Le déjeuner à préparer est un prétexte, et l’arrivée avancée de sa mère une invention. À peine la porte refermée sur Romain, Élise se précipite dans les toilettes. Bien qu’elle ait saigné le mois dernier, elle veut une réponse claire et nette. Elle a acheté un test en pharmacie, résultat fiable à 99 %, dans les cinq minutes. Accroupie au-dessus de la cuvette, tandis qu’elle urine sur la bandelette, elle repense à ce signe qui l’a alertée.C’était hier, après l’achat du gigot d’agneau pour sa mère, son plat préféré. « Une pièce d’une qualité exceptionnelle » d’après le boucher. Élise avait insisté : il avait intérêt à ne pas mentir, sa mère avait le palais fin, on ne la trompait pas aisément. L’homme avait souri, sûr de lui : « Vous m’en direz des nouvelles, ma p’tite dame. » Elle était rentrée chez elle