Série éliminatoire

Les Éditions du Boréal 4447, rue Saint-Denis Montréal (Québec) H2J 2L2 www.editionsboreal.qc.ca Série éliminatoire DU MÊME AUTEUR Bardin retourne au lycée, Hachette jeunesse, coll. « Vertige policier », 1998. Max au Centre Bell, Boréal, coll. « Boréal Junior », 2010. Max et la filature, Boréal, coll. « Boréal Junior », 2010. Max et le sans-abri, Boréal, coll. « Boréal Junior », 2011. Max et Freddy la terreur, Boréal, coll. « Boréal Junior », 2012. Max et la belle inconnue, Boréal, coll. « Boréal Junior », 2013. Max au secours de Théo, Boréal, coll. « Boréal Junior », 2016. Olivier Challet Série éliminatoire © Les Éditions du Boréal 2023 Dépôt légal : 2e trimestre 2023 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Diffusion au Canada : Dimedia Diffusion et distribution en Europe : Interforum Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et de Bibliothèque et Archives Canada Titre : Série éliminatoire / Olivier Challet. Noms : Challet, Olivier, 1966- auteur. Description : Mention de collection : Boréal Noir. Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20230050832 | Canadiana (livre numérique) 20230050840 | ISBN 9782764627372 | ISBN 9782764637371 (PDF) | ISBN 9782764647370 (EPUB) Classification : LCC PS8605.H337 S47 2023 | CDD C843/.6—dc23 1 Dimanche 1er janvier Barral appuya sur l’interrupteur de la cafetière et jeta un œil maussade par la fenêtre. La neige tombait faiblement, alors que le sommet du mont Royal se perdait dans les nuages. Il n’aimait pas les fêtes de fin d’année, elles le rendaient morose. Il sacra, en proie à une mauvaise humeur grandissante. Il essaya de se remémorer ce qu’il avait bu la veille, dans ce bar du boulevard Saint-Laurent : deux ou trois vodkas, plusieurs bières, une coupe de champagne, rien d’exagéré pour une soirée de réveillon. Il avait hâte de reprendre le travail, après trois jours à tourner en rond dans son loft à se demander ce qu’il pourrait faire pour passer le temps. En fait, l’idée même de congé l’avait abandonné dix ans auparavant, lorsque sa femme Hélène l’avait quitté par un triste et pluvieux matin de novembre. C’était un peu caricatural, mais assez proche de la réalité. Il alla dans la salle de bains et prit deux Tylenol. Le miroir au-dessus du lavabo lui renvoya une figure blafarde, avec des cheveux ébouriffés grisonnants, des favoris qui lui donnaient dix ans de plus et une barbe de trois jours. Il allait devoir se trouver une activité à l’extérieur pour la journée, histoire de prendre l’air et de ne pas broyer du noir. La sonnerie de son cellulaire retentit au moment où il sortait de la salle de bains. — Jack, c’est Hélène. Sa gorge se noua. — Salut, comment ça va ? — Bien, bien… Je ne te réveille pas, au moins ? — Pas du tout. Alors, c’est quoi les nouvelles ? — Jack, on est le 1er janvier. Je voulais te souhaiter une bonne année, c’est tout. — En souvenir du bon vieux temps, c’est ça ? Il regretta aussitôt ses paroles, mais le mal était fait. — Pourquoi tu es toujours aussi agressif avec moi, Jack ? Le ton de sa voix était empreint de reproche et de lassitude. — Qu’est-ce que tu fais aujourd’hui ? poursuivit-elle. Tu passes nous voir ? — Laetitia est avec toi ? — Oui. — Vous avez réveillonné toutes les deux ? Leur fille Laetitia venait de commencer des études de droit économique à l’UQAM et s’entendait à merveille avec sa mère, chez qui elle avait choisi de vivre après le divorce. Depuis la rentrée universitaire, elle fréquentait un groupe d’amis gothiques. Des jeunes qui s’habillaient en noir et exhibaient talons hauts et piercings pour provoquer et protester – contre quoi ? Barral trouvait ça ridicule et ne comprenait pas. C’était peut-être son côté vieux jeu, mais cette mode lui paraissait complètement dépassée. Sans parler de l’inquiétude de voir sa fille s’éloigner et s’engager sur une mauvaise voie. — D’accord, je te promets que je vais essayer de passer, dit-il sans attendre de réponse. — Tu vas essayer de passer ? Il secoua la tête et ferma les yeux. Le fossé s’était creusé non seulement entre lui et sa fille, mais aussi avec son ex-femme. — Si je viens en fin d’après-midi, c’est correct ? — Entendu. Je ne devrais pas te le dire, mais je crois que Laetitia a quelque chose à nous annoncer, alors ne nous fais pas faux bond cette fois-ci. — Compris. — Et hier soir, tu t’es bien amusé ? Barral se dirigea vers la baie vitrée et s’accouda sur le rebord de la fenêtre. Au loin, des enfants couraient dans la neige sur les pentes du mont Royal, alors que d’autres remontaient des luges deux fois plus grosses qu’eux. Un brin de nostalgie l’envahit. Il se dit que son boulot de flic l’avait empêché de faire ce genre d’activité avec sa fille, que ses vingt-deux années passées au service de la police avaient eu un effet pervers sur sa vie familiale. Mais il savait aussi que la médiocrité de leur relation tenait davantage à sa personnalité qu’à son métier. — J’ai passé la soirée avec des chums dans un bar sur Saint-Laurent, c’était plutôt cool. En disant cela, il mentait à moitié, car personne ne l’avait accompagné. Il avait erré en solitaire et discuté avec quelques personnes, toutes plus éméchées les unes que les autres. Pour le côté cool, il fallait repasser. Il avait pourtant reçu plusieurs invitations de la part de ses collègues, mais les avait refusées sans donner de raison. — Bon, faut que je te laisse, Hélène. J’apporterai une bouteille de vin. — Fais attention à toi, Jack. Il raccrocha, puis se réfugia sous la douche afin de chasser son vague à l’âme. Il resta longtemps immobile, les yeux clos, sous le jet brûlant. Lorsqu’il sortit, la sonnerie de son téléphone retentit de nouveau. Il accéléra le pas sans prendre le temps d’enfiler un vêtement mais arriva trop tard. Il vérifia les messages dans la boîte