Siffle la nuit


 
 
 
 
 
 Titre original :
 The Whistling
 publié par Michael Joseph,
 Penguin Random House, Londres
 Couverture : © Bureau Jany
 Image : © Unsplash / Chepo Murua
 ISBN : 978-2-7024-5128-1
 The Whistling © 2021, Rebecca Netley
 © 2023, éditions du Masque, un département des éditions Jean-Claude Lattès, pour la traduction française.
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 Éditions du Masque
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 Rebecca Netley est une autrice anglaise. Elle a passé son enfance dans une maison remplie de livres et de musique ce qui, inévitablement, a nourri ses passions. Aujourd’hui encore la famille et l’écriture sont l’épicentre de sa vie. Siffle la nuit est son premier roman, et le lauréat de l’Exeter Novel Prize. À mon mari, Hugh,Et à mes merveilleux fils,Thomas et James. Partie I Furtive comme le givre en hiver, L’ombre s’engouffra dans une faille Et quitta la mort pour avancer dans la nuit Sans laisser de traces derrière elle. Anonyme Chapitre 1 1860 Je comptais parmi les cinq seuls passagers qui s’apprêtaient à embarquer pour Skelthsea. Ni amis ni famille n’étaient là pour me dire au revoir et mon manteau en laine m’apportait peu de réconfort. En ce petit matin, le vent soufflait depuis la mer d’un gris plomb et le cri des mouettes était strident. Lorsque je vis le bateau contourner les rochers pour s’approcher, je pris mes valises et suivis les autres sur le quai plein d’ornières. On m’aida à monter sur le pont, quand il se mit à bruiner ; un léger crachin, plus glacial que je ne m’y étais attendue, et je me tins au bastingage tandis que le bateau tanguait. Mes compagnons de voyage ne m’accordèrent guère plus d’attention qu’un regard en passant, et pourquoi en aurait-il été autrement ? Mon visage et ma silhouette étaient tout ce qu’il y a de plus quelconque, j’arborais un teint sans éclat et des cernes sous les yeux après tant de nuits d’insomnie. La dernière passagère, une femme d’âge moyen, m’adressa un sourire fugace avant de disparaître en bas. Des membres de l’équipage tirèrent des caisses de vivres depuis la jetée, et il s’écoula encore trois quarts d’heure avant que le bateau ne quitte le port. À cet instant précis, des trombes de pluie s’abattirent, criblant la mer. — Vous feriez mieux de descendre vous mettre à l’abri, mademoiselle, me conseilla le capitaine. Mais malgré les rafales qui me fouettaient les joues, je voulais prolonger encore un peu ce moment et ne rejoignis la cabine que lorsque nous nous enfonçâmes dans la brume et que la terre fut hors de vue. Je crois que jusque-là je ne m’étais pas tout à fait rendu compte de ce que j’entreprenais. Même au moment de préparer mes affaires et d’empiler soigneusement mes vêtements dans mes valises, j’avais eu l’impression d’être dans un rêve. Du seuil de la chambre, mon amie m’avait regardée avec un air de pitié en secouant la tête. — Est-ce vraiment raisonnable, Elspeth ? avait-elle demandé. Quitter tes amis ? La vie que tu as toujours connue ? Mais je m’en étais tenue à ma décision, à laquelle je me raccrochais comme à une lueur dans la pénombre. Mon amie avait soupiré. Moi, je m’imaginais déjà Skelthsea, ses falaises constellées de mouettes, les vagues qui se brisaient sur les rochers et la marée qui rinçait le sable encore et encore. Mes doigts vinrent trouver le médaillon qui renfermait le portrait de ma sœur. De tous les êtres chers que j’avais perdus, c’était elle qui occupait le plus mes pensées et, tandis que nous nous éloignions de la terre ferme, la tristesse se réveilla et me percuta aussi violemment qu’au premier jour. Je garde peu de souvenirs de la traversée, si ce n’est que, à l’approche de notre destination, je sortis de la cabine pour assister à notre arrivée. J’avais entendu dire que Skelthsea était une très belle île mais la réalité me laissa sans voix. Je découvris les falaises abruptes, le creux de la vallée et, plus haut, la courbe de la crête sur laquelle miroitaient les rayons du soleil couchant. La plage était bondée de gens qui attendaient le bateau, de coffres et de colis prêts à être acheminés sur le continent. Juchée sur une colline se découpait une maison plus imposante que les autres. De la fumée ondulait au-dessus du toit à pignon. Je supposai que c’était Iskar, l’endroit qui devait désormais être mon foyer. Des fenêtres à carreaux laissaient entrevoir de nombreuses pièces et, comme le soleil déclinait derrière elle, la bâtisse projetait une grande ombre sous laquelle genêts et broussailles frémissaient dans l’air frais de l’automne. Je tentai de sourire mais j’avais le visage frigorifié. Le bateau remonta jusqu’à l’embarcadère puis le moteur se tut. — Êtes-vous Mlle Swansome, la nouvelle gouvernante ? Un homme me rejoignit à bord et prit mes valises. Il ne souriait pas. Je hochai la tête et, sans plus d’explications, il descendit mes bagages du bateau et patienta pendant qu’on m’aidait à passer sur le quai couvert de bernacles. Il faisait plus chaud sur la terre ferme, mais la température restait basse dans la baie. L’attention des villageois se tourna vers moi, entre signes de tête et coups d’œil timides, tandis que les enfants me fixaient avec une curiosité non dissimulée. Malgré le froid, la plupart étaient pieds nus. — Par ici. L’homme me précéda. Je le suivis tant bien que mal, mes chaussures glissant sur les galets lorsque nous montâmes le chemin raide vers le domaine d’Iskar. Des rosiers noircis par le gel proliféraient jusqu’à envahir les murs en ruine. Les haies, autrefois sans doute verdoyantes et touffues, étaient aujourd’hui prises d’assaut par les mauvaises herbes et la broussaille et je notai les odeurs – poisson, fumée tourbée, ainsi qu’une pointe plus douce : de la bruyère ou des genêts. — Vivez-vous ici depuis longtemps ? demandai-je. — Depuis toujours. Il tourna les yeux vers la mer, où des traînées