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Topographie de la terreur

Author/Uploaded by Régis Descott


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 DU MÊME AUTEUR
 L’Empire des illusions, Denoël, 1998.
 Pavillon 38, J.-C. Lattès, 2005.
 Caïn & Adèle, J.-C. Lattès, 2007.
 Obscura, J.-C. Lattès, 2009.
 L’Année du rat, J.-C. Lattès, 2011.
 Souviens-toi de m’oublier, J.-C. Lattès, 2013.
 Les Variations fantômes, J.-C. Lattès, 2015.
 Vacher l’éventreur,...

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 DU MÊME AUTEUR
 L’Empire des illusions, Denoël, 1998.
 Pavillon 38, J.-C. Lattès, 2005.
 Caïn & Adèle, J.-C. Lattès, 2007.
 Obscura, J.-C. Lattès, 2009.
 L’Année du rat, J.-C. Lattès, 2011.
 Souviens-toi de m’oublier, J.-C. Lattès, 2013.
 Les Variations fantômes, J.-C. Lattès, 2015.
 Vacher l’éventreur, Grasset, 2016.
 
 Avec le Dr Magali Bodon-Bruzel
 
 L’Homme qui voulait cuire sa mère, Stock, 2015.
 Sex crimes, Stock, 2018.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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 E-ISBN 978-2-8098-4631-7
 Copyright © L’Archipel, 2023.
 
 
 
 Table des matières
 Topographie de la Terreur
 Note de l’auteur
 Remerciements
 
 
 
 — Êtes-vous disposés à travailler, si le Führer l’ordonne, dix, douze, et si nécessaire quatorze ou seize heures par jour pour arracher la victoire ?
 — Ja !
 […]
 — Si besoin, voulez-vous la guerre totale, au besoin plus totale, plus radicale que nous ne pouvons même l’imaginer aujourd’hui ?
 — Ja !
 […]
 — Est-ce que votre confiance en notre Führer est plus grande, plus fidèle et plus inébranlable que jamais ?
 — Ja !
 — Êtes-vous disposés à le suivre dans toutes ses voies et à faire tout ce qui est nécessaire pour gagner la guerre absolue et illimitée ?
 — Heil !
 […]
 — Approuvez-vous, si nécessaire, les mesures les plus radicales contre le petit cercle des tire-au-flanc et des profiteurs qui prétendent être en paix durant la guerre et qui utilisent les souffrances de la nation pour leurs propres besoins égoïstes ?
 — Ja !
 […]
 — Êtes-vous d’accord pour que ceux qui mettent en péril l’effort de guerre le paient de leur propre tête ?
 — Ja !
 
 Extraits du discours de Joseph Goebbelsdu 18 février 1943 au Sportpalastface à une foule chauffée à blanc.
 
 
 
 
 
 
 
 
 Dès six heures, les camions s’étaient éparpillés dans la ville. Partis de Prinz-Albrecht Strasse, de Werderscher Markt1 et de différents commissariats, d’autres véhicules s’étaient joints au ballet, accroissant le grondement des moteurs dans les rues désertes. Au lever du jour, les hommes aux uniformes noirs de la légion d’Hitler cernaient les bâtiments visés tandis qu’à l’abri derrière leurs fenêtres quelques curieux observaient le manège. Par son ampleur évidente, cette rafle différait des précédentes.
 Gerhard savait ce qu’il en était : Goebbels débarrassait la capitale de ses derniers Juifs, d’où cette Fabrik Aktion surprise, organisée sans avoir prévenu la Reichsvereinigung2 qui d’habitude établissait les listes, pendant que d’autres équipes évacuaient les vieillards et les enfants demeurés dans les Judenhaus. Bien qu’en retard, il prenait son temps, cherchant dans ces gestes familiers – se raser, enfiler une chemise propre, ajuster sa cravate et préparer le café obtenu au marché noir – un moyen de tenir l’angoisse à distance. L’odeur du savon à barbe comme celle du café représentaient des échappatoires a priori dérisoires, mais dans lesquelles plus d’une fois il avait trouvé un réconfort inattendu. C’est dans le dénuement des tranchées qu’il avait développé une attention à ces plaisirs minuscules grâce auxquels, même quelques instants, on pouvait oublier la peur et le découragement. Et s’il était revenu plus riche de cette expérience traumatisante, c’était de cette aptitude à saisir une forme de secours dans des détails qu’il aurait autrefois qualifiés d’anodins.
 Enfin prêt, il sortit sur le palier, ferma sa porte à double tour, puis s’engagea dans l’escalier. Sa NSU aussi lui permettait de s’évader. Il lui arrivait de trouver dans ses accélérations un exutoire à la frustration, au silence que trop souvent il s’imposait, aux tâches abjectes qu’on lui confiait, à la pesanteur qui en tout domaine régnait. Il s’enivrait alors du vent de la vitesse et se surprenait à accueillir la neige et la pluie avec gratitude parce qu’elles lui rappelaient l’existence d’une force supérieure à côté de laquelle toute manifestation de puissance était négligeable. L’essence était rationnée, mais son engin consommait beaucoup moins qu’une voiture et, si de nouvelles restrictions se profilaient, sa blessure de guerre et sa fonction l’en préserveraient pour un temps.
 Les camions bâchés lui indiquèrent l’atelier Wysocky, devant lequel ils stationnaient, interrompant sa trop courte chevauchée. Il décéléra pour arrêter sa moto devant eux, apercevant déjà la silhouette juvénile de son adjoint battant des pieds sur le trottoir. Alfred Donix vint à sa rencontre tandis qu’il se débarrassait de ses lunettes. Il le salua en même temps qu’il adressa un signe aux SS de la division « Leibstandarte » rassemblés devant l’édifice.
 — Ça pince, commenta Alfred avec bonne humeur, un nuage de vapeur échappé de sa bouche diluant la remarque dans le néant qu’elle méritait.
 — Atelier Wysocky, il va falloir y aller, grommela Gerhard, agacé par cet air enjoué hors de propos.
 Il régnait dans la grande pièce une atmosphère laborieuse dominée par le ronronnement des machines à coudre que l’apparition des SS réduisit au silence. Chacune des couturières, comme la poignée de couturiers, demeurait figée à son poste de travail pendant qu’un sexagénaire accourait vers l’Untersturmführer qui tenait déjà la liste entre ses mains. Gerhard s’avança entre les tables couvertes d’étoffe de couleur feldgrau, pouvant sentir les respirations s’arrêter à son passage, quand les noms commencèrent à être égrenés par une voix nasillarde. Derrière lui, un des hommes se leva, aussitôt rejoint par un SS qui, sans lui laisser le temps de prendre quoi que ce soit, l’entraîna vers la sortie.
 Lorsque la porte se referma dans son dos, Gerhard se trouvait dans un couloir gris et silencieux, à l’abri de cette énumération de cauchemar. Il gagna les toilettes réservées aux hommes. Une fois devant un urinoir, il entendit un sanglot derrière lui. Après un soupir, il reboutonna son pantalon, se lava les mains sous un robinet face à son visage gris dans la lumière grise, les sécha à l’aide d’un essuie-mains humide et enfin s’approcha de la porte d’où provenaient les gémissements. En chuchotant,

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