L'éternité n'est pas éphémère

littérature contemporaine Composition du livre : Valentine Flork / Agence A&L Distribution : Immatériel ISBN papier : 9782385330354 ISBN numérique : 9782385330361 Dépôt légal : juin 2023 Éditeur : Les éditions d’Avallon 342 rue du Boulidou 34980 Saint-Clément-de-Rivière © 2023 Les éditions d’Avallon L’éternité n’est pas éphémère Mona Azzam L’éternité n’est pas éphémère r o m a n Du même auteur Romans Sur l’oreiller du sable, L’Harmattan, 2017 Nous nous sommes tant aimés, éditions la Trace, 2019 Ulysse a dit…, éditions la Trace, 2020 — prix des Médiathèques de Bussy-St-George Amine, éditions La Trace, 2022 Nomades, Vibration éditions, 2022 Camus, L’espoir du Monde, éditions d’Avallon, 2023 Poésie Le Sablier des mots, recueil, Vibration éditions, 2020 Essai Nerval dans le sillage de Dante, Cariscript, 2000 Nouvelles Dans le Silence des Mots Chuchotés (il est cri…), recueil, éditions la Trace, 2018 Fables Trilogie des fables de La Fontaine, fables choisies et commentées, Cariscript, 1994 Contributions et articles Des jasmins en bord de mer, Poésie méditerranéenne, Association Poétique Luna Rossa, Anthologie, 2021 À quels feux s’invitent vos rêves, Anthologie, éditions le Coudrier, 2021 Hadji, Revue Cœur de plumes, 2021 Nadia Tuéni, une figure inclassable, Revue Orientales, 2021 Anthologie poétique, Association Poaimer, 2021 Qu’est-ce que l’Afrique ? Ouvrage collectif, sous la direction d’Eugène Ebodé, coll. Sembura, éditions La croisée des chemins, 2021 Maman Recto-Verso, Ouvrage collectif, sous la direction de Julie Gayet, David Foenkinos et Franck Ayroles, éditions E.Leclerc, 2021 « Rome seule aujourd’hui peut résister à Rome. » Corneille I - Rome La nuit ne tombe pas à Rome ; elle s’élève du cœur de la ville, des sombres petites ruelles et des cours où le soleil ne pénètre que d’un rayon, puis, comme la brume du Tibre, elle glisse sur les toits et se déploie sur les collines. Caroline LLewellyn Minuit. Le silence s’est emparé subtilement des êtres et des choses, en un écrin serti de légère accalmie. Rome se plonge dans cet apaisement en dépit de quelques noctambules qui sillonnent ses ruelles comme en quête d’immortalité. Au cœur de la Cité, des cœurs battent au diapason. Des souffles se mêlent. Des jambes s’entrelacent. Des draps de satin se froissent en un bruissement que ne vient interrompre qu’un râle maladroitement étouffé. Rome veille sur ses amants, les jalousant parfois. Dans la pénombre de la chambre aux volets clos, une faible lueur, provenant du Colisée, parvient par intervalles à faire surgir dans les parois du silence les contours de son corps, reposant au creux du lit ; son corps, semblable à un navire parvenu à s’ancrer dans cette crique de draps froissés. À l’instant même où, épuisé, il a cédé allègrement à l’invitation de Morphée, au sortir du champ de bataille de leurs étreintes tumultueuses, elle s’est mise à le contempler, se plaisant à le découvrir ainsi, à son insu ; suspendue à son souffle régulier, en une énième tentative de se convaincre qu’il repose à ses côtés, durablement, enfin, au crépuscule de leurs vies, après des décennies vécues à ne pouvoir que palper des bribes de lui, rayons de soleil retenus à même la peau au cœur de multiples hivers. Il est bien là, à ses côtés. Comme dans ses rêves les plus fous. Sa présence est réelle. L’envie de l’effleurer… pressante ; soudaine. Elle ne peut, ne veut y résister. Du bout des doigts, elle se promène en pensée sur sa peau, les yeux fermés, savourant la chaleur de son corps. Douces caresses qui éveillent en elle l’envie sensuelle, l’en-vie de l’éveiller et l’entraîner à nouveau sur la piste de danse, là où leurs corps savent si bien adopter la cadence et le rythme de la valse charnelle. — Luna… Tu ne dors pas, murmure-t-il en l’attirant vers lui, réduisant ainsi tout millimètre de distance entre leurs deux corps. — Giacomo… Dormir, du temps perdu, chuchote-t-elle en glissant sa main sur son torse. Giacomo, presque éveillé, sourit, tremblant de désir au contact de cette caresse qui, par sa légère subtilité, provoque en lui un appétit sournois. Ses yeux essaient de lire l’heure sur la petite horloge qui trône sur la table de chevet, à ses côtés. Au même instant, la main de Luna se fait plus insistante, poursuivant son itinérance, sa mouvance, jusqu’à atteindre son bas-ventre. Oubliant l’heure, Giacomo se laisse glisser, offrant aux caresses de Luna toute la superficie de son corps assoiffé, affamé de sa gourmande boulimie. — Luna. Sa voix impérieuse rompt le silence de la nuit, la faisant sursauter, figeant soudain sa main égarée, à mi-chemin entre son nombril et l’autel de sa masculinité. — Giacomo, je vais te laisser dormir, mon amour. — Sorcière ! — Sorcière ? Pourquoi ? — Tu préfères mégère ? — Mégère, oui… À condition de ne pas être apprivoisée, répond-elle de sa voix aux intonations rauques et fluides, relents savoureux de la passion qui l’anime, par nature. Elle se redresse subitement, offrant à ses yeux ensommeillés la fresque harmonieuse de son buste dénudé, les draps voilant le reste de son corps. Se calant contre les coussins, Giacomo inspire profondément : — Luna, dis-moi ce qui te tracasse. — Rien ne me tracasse. Tout va bien. Rendors-toi. — Je n’ai pas envie de m’endormir. Je veux savoir ce qui se trame dans ta tête… Et aussi, pourquoi tu t’es interrompue, soudainement. Pourquoi tu as mis soudain ton envie en suspens. — Giacomo, je ne veux pas te priver de sommeil. Il m’en faut si peu. Tu le sais. Mais toi… — Moi, j’ai envie que tu me caresses encore ; j’ai envie de te caresser encore. De te faire gémir. De te donner du plaisir. J’ai envie de partager cette nuit avec toi, jusqu’au bout, et toutes les nuits à venir. — Giacomo… Sa voix n’est plus que murmure. — J’ai envie de vivre cette nuit pleinement, faire fructifier les heures, récupérer toutes ces nuits passées à dormir sans toi, loin de ton souffle ; ces nuits passées à rechercher en vain le contact de ton corps contre le mien, luttant