Author/Uploaded by Jean-Paul Bouchon; Alain Bouchon
Créé et dirigé par Romain Naudin Suivez-nous sur les réseaux sociaux Nous aurons plaisir à vous donner l’actualité des auteurs : les festivals, les dédicaces et les projets… @ MoissonsNoires www.moissons-noires.com Sherlock Holmes et le 36 quai des orfèvres Une enquête inédite de Sherlock Holmes Avertissement Section spéciale de la police de sûreté parisienne, la brigade de fer a été créée en 187...
Créé et dirigé par Romain Naudin Suivez-nous sur les réseaux sociaux Nous aurons plaisir à vous donner l’actualité des auteurs : les festivals, les dédicaces et les projets… @ MoissonsNoires www.moissons-noires.com Sherlock Holmes et le 36 quai des orfèvres Une enquête inédite de Sherlock Holmes Avertissement Section spéciale de la police de sûreté parisienne, la brigade de fer a été créée en 1876 par le commissaire Jacob, alors chef de ladite police. Elle était vouée à des missions importantes et délicates, notamment la recherche et l’arrestation des grands criminels, et pouvait venir en aide aux parquets de province. Composée de dix inspecteurs, dont l’un spécialisé dans les affaires internationales, elle s’est vite imposée comme l’unité d’élite de la police criminelle. À son actif, on peut porter la résolution d’affaires célèbres comme le crime de la rue Labat, l’affaire Baderich, les bijoux de la comtesse Braniska, le crime de la rue Madame et celui de la rue de Lyon, etc. En faire partie était une distinction et un honneur pour tout policier, qu’il fût brigadier, simple inspecteur ou inspecteur principal. Traversant la fin du xixe siècle et le début du xxe sous des appellations différentes (brigade du chef, par exemple), la formation connaîtra sa consécration en 1907, lorsque Clemenceau en reprendra le concept pour donner naissance à ses fameuses « Brigades mobiles ». Si certains personnages de la présente enquête appartiennent effectivement à l’histoire et à la littérature (le Prince de Galles et Sherlock Holmes), la plupart sont imaginaires, de même que les faits objet du récit sont totalement fictifs. Enfin, les propos et les jugements tenus par les personnages n’engagent qu’eux et ne reflètent aucunement le point de vue des auteurs. 1 C’était matin d’exécution capitale. Au pluriel. Deux pour être précis. La conclusion d’une affaire médiocre. Des ouvriers lithographes, Albert Jeantroux, dit la sardine, et Henri Ribot, surnommé le chétif, avaient assassiné une bourgeoise pour lui voler la rente qu’elle ne devait toucher que le lendemain. Pas de méthode. Pas de pot. Au bout, le rendez-vous avec papa Deibler et la Veuve. Arrivé à 2 h 45 dans le froid de la nuit de ce 8 mars 1890, le commissaire Goron, chef de la sûreté, s’était enfermé dans son bureau du 36 quai des Orfèvres sans dire un mot. Il en était ressorti à 3 h pile, et, d’un pas mécanique, avait gagné la cour intérieure où piaffait le landau noir de la Compagnie Générale. Direction la Roquette. Programme habituel : d’abord les politesses avec le directeur de la prison, le juge d’instruction, le procureur de la République ou son substitut, le commissaire de police du quartier, l’aumônier de la maison ou à défaut le vicaire de Saint-Sulpice ; puis le réveil des condamnés, l’habillage et la toilette par les aides du bourreau ; l’air mordant et les premiers chants d’oiseaux dans l’enceinte de la prison ; ensuite le fracas de ferraille de la lourde porte et le spectre de la guillotine sous les lueurs tremblotantes des becs de gaz de la place ; les derniers mots ; le cordon d’agents de police ; l’ombre de la croix ; les petits pas à cause des entraves aux chevilles ; et enfin l’allongement sur la bascule avant que Deibler ne lance la foudre, celle de la chute du mouton. Rien à voir avec « le souffle frais sur la nuque » que vantaient les révolutionnaires ! La réalité s’avérait tout autre : le défilement sinistre de la mécanique dans son rail, le bruit sourd de la lame tranchant les cervicales, le jaillissement du sang, puis la chute de la tête brutalement orpheline de son corps. Lorsque le panier de la guillotine serait refermé, le landau suivrait le fourgon de la Roquette jusqu’au cimetière d’Ivry où les corps seraient placés dans des cercueils, tête entre les jambes. Un aumônier bénirait la sciure jetée dans la fosse, puis direction l’École de Médecine où aboutiraient en définitive les restes. Un peu de matière pour les travaux pratiques de messieurs les étudiants en médecine. Un peu seulement, car les placards de la faculté débordaient de cadavres : les exécutions capitales s’étaient enchaînées en 1889, et l’année 1890 avait commencé fort. Pour terminer l’opération, Goron s’attablerait au buffet de la gare d’Orléans, méditerait inutilement sur la vanité de la vie et se remettrait à force de cafés et de conversations banales surprises aux lèvres des lève-tôt. 8 h. Un ciel purulent et charbonneux qui tentait de s’arracher à la nuit festonnait au ras de la Seine. Des mouettes rieuses piaillaient autour des barges. Le cœur de pierre de Paris allait se remettre à battre. Fortuné Boursillot, le tout nouvel inspecteur de la brigade de fer, tirait ses derniers quarts de service de nuit dans la salle commune. Encore une heure et il serait relevé par ses collègues Gaillarde et Berthier. Pour l’heure, sérieux et appliqué comme un élève pauvre dans son étude, il feuilletait les pièces d’une affaire que le patron lui avait confiée la veille au soir : un mandat d’arrêt lancé par le parquet de Bruxelles à l’encontre du directeur d’une société parisienne dénommée Soleil et Puissance, sise 87 rue de l’Opéra. Superbe raison sociale mais, derrière tout ça, du classique : vols et détournements frauduleux. Il relisait pour la troisième fois le rapport du policier belge qui avait débrouillé l’affaire lorsque des pas énergiques montèrent les marches du grand escalier. La porte s’ouvrit brusquement et la moustache en croc et le costume élégant du commissaire Goron s’encadrèrent dans la boiserie : – Boursillot ! Je viens d’être averti par télégraphe qu’un cadavre a été découvert à côté de la rue Jenner, dans le 13e. Cité des Kroumirs. Un crime de toute évidence. J’ai alerté le procureur. Le commissaire de quartier nous attend sur place. Martigaud, le juge d’instruction, est déjà en route, ainsi que Brouardel, le médecin légiste. Vous m’accompagnez ! Ordre catégorique, imposé par les circonstances. Fortuné Boursillot se trouvait seul dans la cambuse. Il se leva, tout en se disant