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Les gardiens de la maison

Author/Uploaded by Colette-Marie Huet; Shirley Ann Grau

Présentation de l’auteure Shirley Ann Grau est née le 8 juillet 1929 à La Nouvelle-Orléans, en Louisiane. Elle intègre l’université de Tulane et obtient son baccalauréat ès arts avec mention. En 1950, elle est diplômée de Phi Beta Kappa, la plus ancienne et prestigieuse société honorifique académique des États-Unis. Elle entame alors une carrière d’écrivain et publie son premier recueil de nouve...

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Présentation de l’auteure Shirley Ann Grau est née le 8 juillet 1929 à La Nouvelle-Orléans, en Louisiane. Elle intègre l’université de Tulane et obtient son baccalauréat ès arts avec mention. En 1950, elle est diplômée de Phi Beta Kappa, la plus ancienne et prestigieuse société honorifique académique des États-Unis. Elle entame alors une carrière d’écrivain et publie son premier recueil de nouvelles, Le Prince noir et autres histoires, qui sera nominé pour le National Book Award en 1956. Neuf ans plus tard, son roman Les Gardiens de la maison reçoit le prix Pulitzer. Ses écrits, romans et nouvelles, se déroulent dans le Sud profond des États-Unis ; elle y explore des questions liées au métissage, aux femmes, à la mort. En 1955, elle épouse James K. Feibleman, écrivain et professeur de philosophie à l’université de Tulane. Le couple aura quatre enfants, et la famille s’installera à Metairie, dans la banlieue de La Nouvelle-Orléans. Shirley Ann Grau décède à l’âge de 91 ans, le 3 août 2020 dans une maison de retraite à Kenner, en Louisiane. DU MÊME AUTEUR Le Prince de la nuit, Presses de la Cité, 1956 La Maison de la rue du Colisée, Stock, 1962 Quand passe le condor, Stock, 1964 Preuves d’amour, Stock, 1980 « Au jour où tremblent les gardiens de la maison, Où se courbent les hommes forts, Où celles qui moulent s’arrêtent parce que leur nombre est diminué, Où s’obscurcissent celles qui regardent par la fenêtre, Où les deux battants de la porte se ferment sur la rue, Tandis que s’affaiblit le bruit de la meule ; Où l’on se lève au chant de l’oiseau, Où disparaissent toutes les filles du chant ; Où l’on redoute même les lieux élevés, Où l’on a des terreurs dans le chemin Où l’amandier fleurit, Où la sauterelle devient pesante Et où la câpre n’a plus d’effet : Car l’homme s’en va vers sa maison d’éternité Et les pleureurs parcourent les rues. » Ecclésiaste XII, 3-5 SOMMAIRE TitreDu même auteurAbigailWilliamMargaretAbigailÉpilogueCopyright ABIGAIL Les soirs de novembre sont calmes, silencieux, secs. Les arbres dénudés par le gel et l’herbe décolorée luisent dans le demi-jour. Dans les champs dépouillés par l’hiver, les affleurements de granit ressortent, tout blancs. Les ossements de la terre, comme les appellent les vieilles gens. Au fond de la faille la plus profonde – au sud-ouest, du côté où le soleil, compact et rouge, s’est couché un peu plus tôt –, la Providence reflète un rien de lumière grise. La rivière est basse à cette époque de l’année où les pluies sont rares. Elle réfléchit le ciel, faiblement, tel un vieux miroir. Les soirs de novembre sont si calmes, inexorables. Celui-ci, par exemple. Il n’y a pas de brume ; on voit à des kilomètres à la ronde. À l’est et au nord, sur les crêtes, chaque arbre se détache nettement. Il n’y a même pas trace de fumée là-haut, alors que plus tôt dans la saison le vent charriait d’affreuses traînées de cendres provenant d’incendies de forêt dans les Smokies. Et dans cette faille où coule la Providence, pas le moindre brouillard. Tout est clair et distinct. Sauf que la lumière s’estompe peu à peu, sans bruit. Le mois dernier deux engoulevents criaient toute la nuit autour de la maison. Je n’aurais jamais pensé que leurs cris me manqueraient, mais ils me manquent. Maintenant. Derrière moi la maison est calme, où mes enfants s’apprêtent pour le dîner – un dîner servi de bonne heure, puisque seuls les deux plus jeunes sont ici. Mes filles aînées sont en pension à La Nouvelle-Orléans. On ne le sait pas encore dans le comté, mais on le saura, tout se sait toujours. « Ça, c’est bien les Howland ! dira-t-on. Toujours à faire des folies, à prendre de grands airs ! Se sont cassé les dents la dernière fois, pourtant, cassé net… » J’ai l’impression d’être enracinée ici, morte. D’être comme les affleurements de granit, les ossements de la terre, décharnés, éternels. J’allume la lampe de la véranda. Et puisque je suis sortie exprès pour cela, j’arrose les géraniums. J’asperge la rangée serrée de grosses fleurs rouges et blanches avec le grand arrosoir de zinc que j’ai à la main. On m’a toujours dit que les géraniums supportent mieux le froid nocturne quand ils ont les racines humides. Ceux-ci, qui poussent à l’abri du toit de la véranda et contre le mur tiède de la maison, résistent jusqu’au cœur de l’hiver. Je verse l’eau sans penser à ce que je fais et j’éclabousse le plancher de la véranda. Je regarde au loin le jardin, le jardin de devant. Même dans ce demi-jour, on voit que la pelouse a été saccagée, le gazon arraché. On dirait un peu une mer houleuse. La barrière de piquets a complètement disparu ; il ne reste plus que la molle cascade des branches du rosier Cherokee qui s’y appuyait autrefois. Je ne remplacerai pas cette barrière. Je tiens à ne pas oublier. Là, dans le soir immaculé, cela ne me paraît pas bizarre de me battre contre toute une ville, contre tout un comté. Je suis seule, oui, bien sûr que je suis seule, mais je n’ai pas spécialement peur. La maison était déjà vide et solitaire auparavant – simplement je ne m’en rendais pas compte –, ce n’est pas pire maintenant. Je sais que je rendrai coup pour coup. Je détruirai autant que j’ai perdu. C’est un moyen de vivre, vous savez. C’est un moyen de conserver un cœur battant à l’abri de la voûte de vos côtes. Et à moi, cela suffit pour l’instant. Quelques gros papillons de nuit blanchâtres tournoient autour de la lampe de la véranda et des blattes au ventre gras retombent sur le dos et se débattent avec impuissance sur le plancher. Je me demande comment elles ont résisté au gel. Elles ont dû éclore bien au chaud sous la maison ou entre les bardeaux. Une chouette passe sans bruit au coin de la véranda, fuyant la lumière. Je

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